Homélie : 11 novembre 2019

Fête de saint Martin anniversaire de l’armistice de 1918 et prière pour les morts de toutes les guerres

« Seigneur, augmente en nous la foi ! » Cette prière, les apôtres la formulent après l’enseignement de Jésus sur les exigences de sainteté et de pardon. Elle révèle toute la disponibilité des apôtres qui cherchent à s’ouvrir à l’enseignement de Jésus et à le suivre.

Mais quelle surprise ! Jésus tient des propos qui résonnent comme un reproche sévère : « La foi, si vous en aviez gros comme une graine de moutarde … ». En réalité, Jésus souligne le paradoxe de la foi. L’exigence d’une vie de foi est telle que la foi ne peut être reçue que de Dieu lui-même et en même temps elle est comme une graine de moutarde confiée à notre responsabilité.

Jésus redit d’abord avec insistance aux apôtres que seul Dieu peut donner la foi. Elle ne dépend en aucun cas d’un quelconque mérite de la part de l’homme. Il encourage ainsi les apôtres à poursuivre leur prière pour la foi.

Don de Dieu, la foi ne peut néanmoins grandir que dans une réponse ferme et radicale. « La foi si vous en aviez gros comme une graine de moutarde, vous diriez au grand arbre que voici :’déracine-toi et va te planter dans la mer’. Et il le ferait’ ». Les images utilisées par Jésus nous renvoient à notre environnement et à notre vie quotidienne. La foi ne peut s’affermir qu’à travers la fidélité à l’esprit du Christ dans les occupations et responsabilités quotidiennes. Notre foi, don de Dieu, don précieux est sans valeur si les actes ne suivent pas.

Saint Martin que nous fêtons en ce jour illustre bien l’enseignement du Christ sur la foi. Qui d’entre-nous ne connaît pas un certain nombre de ses hauts faits ? Il a d’abord été un soldat respectueux de la vie. Il avait à peine 20 ans quand un jour d’hiver près d’Amiens, il rencontre un pauvre transi de froid et sans hésiter lui partage son manteau. Comme évêque, Martin témoignera de sa passion du Christ en cherchant à évangéliser les campagnes. Pour cela, il n’hésita pas à mettre sa vie en jeu. Après sa mort, les miracles attribués à saint Martin ne se comptent plus. Un siècle plus tard, Clovis se rendra sur sa tombe ; l’admiration pour saint Martin a sans doute joué dans sa demande du baptême. Et au 20ème siècle, de nombreux chrétiens ont vu dans la fin de la première guerre mondiale un 11 novembre, l’intervention de saint Martin.

S’il mérite notre vénération, ce ne doit pas être pour ses exploits et ses miracles, mais bien pour ce qu’ils manifestent : sa foi au Christ ! Saint Martin lui-même l’indique à travers sa vie. Ainsi, après le geste du partage, le Christ lui apparaît en songe avec la partie du manteau dont il a recouvert le pauvre. A ce moment là, il n’hésitera plus à demander le baptême, le sacrement qui va lui donner accès à la vie de Dieu. Pour saint Martin, le baptême n’était pas un simple rite d’entrée dans une religion, mais bien l’entrée dans une relation personnelle et intime avec le Christ. Par notre baptême, nous sommes définitivement consacrés au Christ et les portes de la vie éternelle nous sont ouvertes. Nous n’avons plus rien à craindre. Dieu reste fidèle ! Quoiqu’il arrive dans notre existence, quels que soient nos égarements, nous pourrons toujours reprendre le chemin vers Dieu. Le Christ reste à nos côtés et ne cesse de nous attendre pour nous renouveler dans la grâce du baptême et nous conduire vers son Père. C’est pourquoi dans le prolongement du baptême, il nous a donné les sacrements de l’eucharistie et du pardon ; ce sont les sacrements pour la route. Là nous sommes certains de le rencontrer, comme il l’a lui-même promis. Là il peut nous relever et nous fortifier, comme en témoignent les apôtres et tous les saints !

Dans l’enfer de la 1ère guerre mondiale, des hommes et des femmes ont su témoigner de la foi au Christ comme lumière qui éclaire la conscience et courage pour affronter la haine. Habitants de la région, comment ne pas exprimer notre fierté d’être les héritiers spirituels de Louise de Bettignies ? Elle mit ses connaissances linguistiques au service des armées alliées et fut arrêtée pour espionnage. Aux funérailles nationales en 1920, l’oraison funèbre la compara à sainte Jeanne d’Arc, évoquant son courage jusqu’à la mort et son patriotisme ‘viscéral et catholique". Je pense encore au jeune soldat et séminariste allemand, Joseph Engling qui s’était préparé à la mort pour la paix entre les peuples et l’accueil de l’Evangile du Christ.

Nous prions aujourd’hui pour les victimes de la première guerre mondiale et de toutes les guerres ; nous pouvons nommer le brigadier Ronan Pointeau tué dans une embuscade le 2 novembre dernier au Mali.

En même temps, nous rendons grâce pour tous ceux qui ont œuvré et continuent d’œuvrer pour la paix. Avec les chrétiens qui cherchent à vivre la béatitude des artisans de paix, nous voulons ainsi reprendre pour nous-mêmes  la prière des apôtres, « Seigneur, augmente en nous la foi ! Oh, oui augmente en nous la foi, mais, la foi avec les œuvres ! »

                                                  + Vincent Dollmann

                                                 Archevêque de Cambrai

Article publié par Service communication • Publié le Mercredi 13 novembre 2019 - 09h32 • 902 visites

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