Enseignements de Mgr Dollmann
lors de la journée diocésaine des groupes charismatiques

"La parole de Dieu" & "L'écoute de la parole de Dieu, le cheminement de St Pierre"

LA PAROLE DE DIEU

 

I/ La révélation biblique : un Dieu qui parle, qui veut entrer en communication avec l’homme et l’introduire dans un projet (à moins de parler pour ne rien dire, la parole a toujours ces deux perspectives : la communication et l’ouverture à un projet).

1/ La révélation d’un Dieu qui parle, c’est l’expérience fondamentale du croyant dans la Bible. Dieu parle, c’est une affirmation cent fois répétée dans la Bible. En opposition, le Ps 115 évoquera la satire des idoles muettes : « elles ont une bouche et ne parlent pas ».

C’est par l’œuvre de sa parole que Dieu se révèle comme le Dieu créateur : « Dieu dit ‘que la lumière soit’ et la lumière fut » (Gn 1,3).

A travers l’histoire sainte, Dieu se révèle par sa Parole comme le Dieu à la fois tout-proche et tout-autre : Il entre en communication avec les hommes, mais pour les conduire vers la terre promise.

2/ Le projet de Dieu, son plan de salut trouve son accomplissement en Jésus. La terre promise se révèle concrètement en Jésus comme lieu de communion avec Dieu. Jésus est le Fils de Dieu et comme Fils, il révèle ainsi que Dieu est profondément dialogue d’amour. Dieu le vit au plus profond de lui-même.

Comme Fils, Jésus est véritablement la Parole faite chair. A travers lui, Dieu vient habiter définitivement et personnellement parmi les hommes, la terre promise se présente devant nous, la terre de la rencontre nous est proposée, ici et maintenant.

 

II/ Si l’Ecriture atteste un Dieu qui communique et se communique, elle est également le moyen pour lui répondre et donc le rencontrer.

A son installation sur le trône de Pierre, le Pape Benoît XVI disait dans son homélie : « Mon véritable programme de gouvernement est de ne pas faire ma volonté, de ne pas poursuivre mes idées, mais, avec toute l’Eglise, de me mettre à l’écoute de la Parole et de la volonté du Seigneur, et de me laisser guider par lui ».

1/ Pour entrer dans cette écoute vivante de Dieu par la Parole, la Constitution Dei Verbum du Concile Vatican II insiste sur le lien entre la foi et la lecture biblique.

Pour cela, Elle rappelle les deux critères traditionnels remontant aux Pères de l’Eglise : L’unité de l’Ecriture et le lien à l’enseignement de l’Eglise.

  • En parlant de l’unité de l’Ecriture, le Concile renvoie à la formule de saint Augustin : « Le Nouveau Testament est caché dans l’Ancien, et l’Ancien est dévoilé dans le Nouveau ». Ainsi la Bible s’éclaire par elle-même, un passage est toujours à comprendre en lien avec l’ensemble de la Bible.
  • La Constitution sur la Révélation divine rappelle également que la foi de l’Eglise constitue la clef d’interprétation. Elle prend le contre-pied du présupposé qui considère le dogme comme un obstacle à une compréhension exacte de la Bible. Un article du Card Ratzinger paru dans le livre l’exégèse chrétienne, aujourd’hui (Fayard 2000) conclut : « Cela signifie que la Tradition de l’Eglise ne ferme pas l’accès à l’Ecriture, mais qu’elle l’ouvre ; et d’autre part qu’il revient à l’Eglise, dans ses organes officiels, de prononcer la parole décisive dans l’interprétation de l’Ecriture. » (p74).

Pour nous, cet enseignement du Concile souligne le lien étroit entre la fréquentation des Ecritures et notre foi au Christ :

- Plus nous scruterons les Ecritures, plus notre attachement au Christ se fortifiera.

- Mais plus nous vivrons du lien au Christ au quotidien, plus nous aimerons l’écouter et le connaître. C’est l’attitude à laquelle Dieu invite les apôtres à la Transfiguration, alors qu’ils ont déjà fait du chemin avec le Christ : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le » (Lc 9).

2/ Si d’après saint Jérôme, ignorer les Ecritures, c’est ignorer le Christ, on peut ajouter : ignorer les Ecritures et la Tradition, c’est ignorer le Christ.

Ce lien entre les Ecritures et la Tradition renforce deux attitudes de foi :

*Contempler la cohérence de notre foi : tout se tient. La Tradition et l’Ecriture ne s’opposent pas, mais nous entraînent comme un fleuve vivant ‘qui nous conduit au port de Dieu’ (Benoît XVI, audience 26 avril 2006).

**A notre niveau, être fidèle à la foi catholique qui maintient ensemble Tradition et Ecriture, c’est veiller encore davantage à la cohérence entre l’enseignement et l’agir.

 

III/ Avec Marie, être servante, serviteur de la Parole de Dieu.

1/ Dès l’Annonciation et la Visitation, Marie nous indique le chemin :

Quand l’ange Gabriel salue Marie par ces paroles que nous aimons redire : « Réjouis-toi pleine de grâce, le Seigneur est avec toi » (Lc 128), il reprend les prophéties de l’Ancien Testament, celles de Sophonie ou de Joël qu’il nous arrive de chanter : « Fille de Sion, réjouis-toi car le Seigneur est en toi en vaillant sauveur ». Cette salutation exprime toute l’attente du peuple de l’Ancienne Alliance, le nom donné à Marie « pleine de grâces » manifeste l’accomplissement des promesses de salut. Et Marie accueille ces paroles avec simplicité et foi. Elle met toute sa confiance dans la Parole de Dieu et en vit comme d’une parole qui la concerne personnellement. Elle le chantera dans le magnificat : « Mon âme exalte le Seigneur... parce qu’il a porté son regard sur son humble servante » (Lc 1,46s).

Devenir disciple de Jésus à la suite de Marie, nous demande de retrouver ce sens de la Parole de Dieu, d’une parole qui nous concerne personnellement. A travers les Saintes Ecritures, Dieu nous parle comme à un ami, bien plus comme à un enfant, pour nous faire vivre de son amour, pour nous conduire sur le chemin de la vie. La Parole de Dieu n’est pas un texte du passé réservé aux spécialistes, même si nous ne comprenons pas tout, l’essentiel pour nous c’est de nous mettre à son écoute. Elle est la Parole de notre Dieu qui est le Vivant et qui veut nous conduire vers la vie sans fin.

Marie nous a tracé le chemin par sa confiance inébranlable en la Parole de Dieu et elle nous dit aujourd’hui encore, comme aux noces de Cana : « Ecoutez-le ! Faites tout ce qu’il vous dira ! » (Jn 2,5). Elle ne cesse de le répéter à travers les nombreux lieux de pèlerinage, et quand elle apparaît aux hommes, c’est toujours pour les inviter à revenir à l’Evangile. En 1858, à Lourdes, elle invitera plusieurs fois à la « pénitence », c’est à dire à la conversion. Ce message est le résumé de la prédication de Jésus : « Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle ! » (Mc 1,15). Nous faisons confiance à de nombreuses paroles tout au long d’une journée, aux informations transmises par les médias, aux propos de nos proches, aux discours de maîtres à penser, et pourquoi n’essayerions-nous pas de faire un peu davantage confiance à la Parole de Dieu ?

 

2/ Chaque fois que nous écoutons la Parole de Dieu, il faudrait nous rappeler qu’elle est bien la Parole de notre Dieu qui est le Vivant et qui veut nous conduire vers la vie sans fin.

Cela nous demande un double acte de foi : il nous faut croire en la puissance de la Parole de Dieu et en sa proximité avec un chacun d’entre nous (« la Parole est tout près de toi, sur tes lèvres et dans ton cœur » (Rm 10,8).

Pour croire en la puissance de la Parole de Dieu, il faut me rappeler que cette Parole est celle par qui Dieu a créé le monde, celle par qui son Fils Jésus a guéri les malades et ressuscité les morts, c’est encore par la puissance de cette même parole que le pain et le vin de l’eucharistie deviennent Corps et Sang du Christ.

En écoutant la Parole de Dieu, nous devrions au moins nous faire cet examen de conscience : nous faisons confiance à de nombreuses paroles tout au long d’une journée, aux informations transmises par les médias, aux propos de nos proches, aux discours de maîtres à penser, et pourquoi n’essayerions-nous pas de faire un peu davantage confiance à la Parole de Dieu ?

Cette Parole toute puissante est en même temps une parole toute familière qui veut nous rejoindre. Elle ne constitue pas un message du passé réservé aux spécialistes. Même si nous ne comprenons pas tout, l’essentiel pour nous c’est de nous mettre à son écoute. A travers toute l’Ecriture, de la Genèse jusqu’à l’Apocalypse, Dieu nous parle comme à un ami, bien plus comme à un enfant, pour nous faire vivre de son amour, pour nous conduire sur le chemin de la Vie.

Jésus nous promet de goûter à la joie du Ciel : « Heureux ceux qui écoutent la Parole de Dieu et la gardent ». La Vierge Marie nous a ouvert le chemin. Comme sa cousine Elisabeth, elle nous invite dès aujourd’hui à entrer dans la joie de savoir que pour chacun d’entre nous, le Seigneur « se souvient de son amour, de la promesse faite en faveur d’Abraham et de sa race, à jamais ».

 

IV/ La mise en œuvre de la fréquentation des Ecritures.

1/ Deux convictions :

- La Parole de Dieu est bien un moyen d’accès à Dieu, le canal par lequel nous recevons le Christ comme dans l’Eucharistie. C’est la conviction des Pères de l’Eglise, dans la Parole comme dans l’eucharistie, le Christ est réellement présent, mais naturellement de manière différente. Dans l’eucharistie, nous parlerons d’une présence substantielle, d’une présence où il se manifeste dans son Corps et son Sang glorifiés, où nous pouvons le toucher et le manger.

De même Origène, responsable d’un centre de catéchèse à Alexandrie, établit un lien fort entre la Parole et l’eucharistie : « Vous qui assistez habituellement aux divins mystères, vous savez avec quelle précaution respectueuse vous gardez le corps du Seigneur lorsqu’il vous est remis, de peur qu’il n’en tombe quelque miette et qu’une part du trésor consacré ne soit perdue. Car vous vous croiriez coupables, et en cela vous avez raison, si par négligence quelque chose s’en perdait. Que si, lorsqu’il s’agit de son corps, vous apportez à juste titre tant de précaution, pourquoi voudrez-vous que la négligence de la Parole de Dieu mérite moindre châtiment que celle de son corps ? » (Homélies sur l’Exode 13).

- Il nous faut croire que l’Esprit qui a inspiré les auteurs sacrés est le même qui nous est donné pour entrer en dialogue avec Dieu. La Parole ne devient vivante que par l’Esprit-Saint ; toute lecture de l’Ecriture présuppose ainsi une épiclèse, une prière à l’Esprit-Saint.

Dans la liturgie des Heures, nous commençons également par une intercession tirée d’un psaume pour demander l’assistance divine : le premier Office de la journée est introduit par un verset du psaume 50 : « Seigneur, ouvre mes lèvres et ma bouche publiera ta louange ». Et pour les autres Offices, nous reprenons une formule qui vient comme un refrain dans les psaumes (cf Ps 69) : « Dieu, viens à mon aide ».

 

2/ La mise en œuvre 

Les formes peuvent être variées : la lecture suivie, celle des textes de la liturgie (le Pape Benoit XVI insistait dans son échange avec les séminaristes du diocèse de Rome sur la nécessité pour le prêtre de reprendre régulièrement les textes de la liturgie dominicale, afin que son enseignement, sa prédication soit le fruit de sa prière et donc une nourriture spirituelle pour le peuple dont il a la charge).

Les méthodes de lecture sont variées, mais elles devraient avoir à cœur d’ouvrir aux trois sens traditionnels des Ecritures. A savoir :

LE SENS LITTERAL qui s’intéresse à la compréhension plus rationnelle du texte et mobilise notre intelligence. Il s’agit d’être attentif au texte, c’est tout le travail de l’exégèse qui s’occupe de l’aspect littéraire et historique (genre littéraire, structure, transmission du texte…).

LE SENS SPIRITUEL qui s’intéresse à la vie de foi pour l’éclairer et l’interpeller. A ce niveau, c’est notre volonté qui est sollicitée, une autre puissance de l’âme.

Ce sens spirituel renferme trois aspects :

  • Sens allégorique : ce qu’il dit de Dieu, Christ et de l’Eglise
  • Sens anagogique : ce qu’il dit de la foi et de l’espérance
  • Sens moral : ce qu’il dit de l’agir.

LE SENS PLENIER qui fait le lien avec la Tradition, avec l’enseignement de l’Eglise. Il mobilise une dernière puissance ou faculté de l’âme : la mémoire. On est alors attentif à ce que le texte a porté comme fruits dans la compréhension de la foi durant l’histoire, par exemple dans les définitions des Dogmes, dans la pratique liturgique.

Ces trois sens nous permettent de mettre en œuvre toutes nos facultés, ou puissances de l’âme, pour que la fréquentation des Ecritures deviennent une véritable rencontre, de personne à personne.

Le discours d’adieu de Jésus en Saint Jean s’achève par une prière, sa méditation ouvre à la relation intime avec Dieu, son Père.

Les dernières paroles de sa prière sont une invitation à se mettre à son école : « Père, je leur ai révélé ton nom et le leur révélerai, pour que l’amour dont tu m’as aimé soit en eux et moi en eux » (Jn 17,26).

 


 

L’ECOUTE DE LA PAROLE DE DIEU

LE CHEMINEMENT DE SAINT PIERRE

 

I/ L’appel : reconnaître et accueillir la Parole du Christ (Lc 5, 1-11).

 

1/ Jésus a l’initiative du début à la fin : elle se manifeste par l’autorité de sa parole.

Ainsi quand Jésus interpelle Pierre : « Avance au large, et jetez les filets pour prendre du poisson ». Jésus veut montrer qu’il tient sa mission d’enseigner de Dieu lui-même, que sa Parole est celle de Dieu, celle qui ne retourne pas au ciel avant d’avoir accompli son œuvre, comme le proclamait le prophète Isaïe. Dans l’évangile, Il s’agit de jeter les filets pour avoir du poisson !

Jésus veut ainsi montrer qu’avec lui, le Règne de Dieu est présent ; qu’à travers lui, Dieu est personnellement à l’œuvre.

« Ils jetèrent les filets et ils prirent une telle quantité de poissons que leurs filets se déchiraient. Ils firent signe à leurs compagnons de l’autre barque de venir les aider. Ceux-ci vinrent, et ils remplirent les deux barques, à tel point qu’elles enfonçaient ».

Quel coup de filet miraculeux ! Les filets étaient sur le point de céder, il fallait faire appel à une deuxième barque, et toutes les deux s’enfonçaient sous le poids du poisson qui fut pêché.

 

2/ L’autorité de la Parole du Christ se manifeste pleinement dans des cœurs disponibles :

Quel événement incroyable ! Quel coup de filet prodigieux ! Pourtant, il n’y a eu aucun geste spectaculaire, aucune action médiatique. Les paparazzis et autres journalistes à l’affût d’un scoop auraient été déçus. C’est uniquement par une parole échangée que l’incroyable se réalise. Ce coup de filet est signé, c’est Dieu Lui-même qui est à l’œuvre.

Et cette intervention de Dieu ne fut possible que par le oui de Pierre, par sa confiance et sa disponibilité à la Parole du Christ.

Alors que les habitants de Nazareth se sont enfermés dans leurs raisonnements humains, Pierre n’oppose pas son expérience professionnelle à la parole du Christ. Pourtant, il y avait de quoi ! Comment pourraient-ils prendre du poisson en plein jour alors qu’ils ont peiné pour rien durant toute la nuit ! Pierre exprime cette objection, mais sa confiance au Christ et à l’efficacité de sa parole est plus forte. Il ajoutera aussitôt : « Sur ton ordre, je vais jeter les filets ! ».

 

3/ Pour nous, il s’agit d’apprendre à faire confiance en la puissance de la Parole du Christ. Pour nous, ce n’est pas n’importe quelle puissance, pas celle d’un despote qui cherche à maintenir ses sujets sous sa dépendance, mais celle d’un Dieu qui appelle l’humanité à partager sa vie et son bonheur. La puissance de la Parole est celle de la vie et du bonheur.

 

4/ Jésus sollicite une réponse totale :

Si Jésus utilise l’image de la pêche pour indiquer la mission de Pierre, c’est qu’il veut rejoindre Pierre dans son existence, dans ses choix et ses projets de vie. L’appel du Christ concerne la personne tout entière, c’est toute la personne que le Christ désire quand il appelle.

Il ne s’intéresse pas aux profils psychologiques ni aux compétences, mais à la vie concrète des personnes et à leurs désirs profonds. Son appel vient donner une orientation nouvelle à l’existence de Pierre et de ses compagnons, en leur proposant de servir le Dieu de la Vie et son projet de salut.

Jésus parle d’ailleurs des hommes que Pierre aura à prendre, à capturer. Le verbe utilisé signifie en fait « prendre vivant » (zôgreô : prendre vivant). La nuance est de taille ! C’est bien au projet de vie, au plan de salut que Jésus désire associer Pierre et ses compagnons. Leurs expériences professionnelles, leurs caractères éprouvés par la dureté du métier ne seront pas mis entre parenthèses, mais au service de ce projet qui les conduira vers les rives de Dieu.

Le oui de Pierre, comme de tous les disciples à travers les temps doit permettre au Christ de rejoindre concrètement les hommes pour les éclairer de sa Parole et les fortifier dans la confiance au Dieu de la Vie

Le Pape Jean-Paul II a adressé le jour de l’Epiphanie de l’an 2000 une lettre aux chrétiens où il les invite à entrer avec confiance dans le nouveau millénaire. Dans sa conclusion, il reprend l’appel du Christ à Pierre : « Avance au large ! ». Voici ce qu’il écrit :

« Allons de l’avant dans l’espérance ! Un nouveau millénaire s’ouvre devant l’Eglise comme un vaste océan dans lequel s’aventurer, comptant sur le soutien du Christ. Le Fils de Dieu, qui s’est incarné il y a deux mille ans par amour pour les hommes, accomplit son œuvre encore aujourd’hui : nous devons avoir un regard pénétrant pour la voir, et surtout nous devons avoir le cœur large pour en devenir nous-mêmes les artisans ».

 

II/ La confession de foi. Choisir le Christ et croire en lui (Lc 9,18).   

 

1/ le don de la foi

L’appel ne supprime en rien, l’exigence d’un cheminement. La question ‘qui est Dieu, qui est Jésus ?’, est une question qui doit accompagner notre cheminement. L’approfondissement de Dieu est une exigence de notre mission de témoignage et d’annonce : Nous ne pouvons parler de quelqu’un que nous ne connaissons pas. Et en même temps, cette question doit rester ouverte, permanente. Le prophète, le porte-parole de Dieu reste un chercheur de Dieu.

Ainsi au tournant de sa mission, quand les foules se font plus rares et que l’hostilité des chefs politiques et religieux se fait plus menaçante, Jésus se tourne à nouveau vers ses disciples pour solliciter leur liberté, il leur propose un renouvellement de leur engagement, une rénovation de leur foi.

Par sa profession de foi, Pierre souligne l’originalité de la foi chrétienne :

Croire pour le Chrétien, c’est croire que Jésus est bien le Fils de Dieu. Pour cela il nous faut mettre en œuvre notre intelligence, poursuivre notre catéchisme en fréquentant la Bible, en nous intéressant au témoignage des saints et des auteurs chrétiens.

Mais croire c’est aussi croire en une personne vivante (Credo in), c’est ouvrir notre cœur pour entrer en relation personnelle avec le Christ.

Et cette foi est une grâce à accueillir. Dans sa catéchèse, l’Eglise parle de vertu théologale, c’est-à-dire d’un don qui dispose les cœurs à vivre en relation avec le Dieu Trinité. (Cf « Tu es heureux, Simon fils de Jonas, car cette révélation t’est venue, non de la chair et du sang, mais de mon Père qui est dans les cieux » Mt 16).

La foi n’est ainsi pas le privilège de quelques-uns : la grâce de la foi a touché autant le cœur de Nicodème, docteur de la Loi que celui du malfaiteur sur la croix. Elle s’est manifestée autant aux adultes qu’aux sans droits et aux enfants que Jésus n’a pas hésité à laisser venir à lui.

Lors du Baptême, le premier des sacrements, à la question « Que demandez-vous à l’Eglise de Dieu ? », le rituel indique comme réponse « la foi ». Chaque sacrement de la vie chrétienne vient renouveler cette grâce de la foi.

 

2/ Le combat de la foi, le combat spirituel

Notre vie n’est pas un long fleuve tranquille, mais elle est tiraillée entre deux mouvements de fond :

Le premier, ascendant marqué par l’amour de Dieu, des autres et de soi. Il cherche à répondre à l’appel de Dieu.

Le deuxième, descendant est marqué par le refus de ce dynamisme d’amour et mène au repli sur soi.

Par rapport à ces deux mouvements, ma liberté et ma volonté sont mises en jeu. J’ai ma part de responsabilité dans la croissance du Règne de Dieu en moi et dans le monde. Mais naturellement, jamais seul, Dieu est à mes côtés.

Par rapport à ces deux mouvements de fond, j’ai également à mettre en œuvre mon intelligence, car pour les deux mouvements, il peut y avoir des freins, des sollicitations qui viennent perturber le mouvement.

Pour la ligne ascendante quand je sens en moi un désir et une joie de servir Dieu et le prochain, je peux parfois être pris par des inquiétudes, des peurs ou voire des excès de générosité qui vont lentement me faire douter de moi, de Dieu et des autres. Et je peux ainsi sans me rendre compte être ramené vers la pente descendante.

Parallèlement, si je me trouve dans une phase descendante de repli sur moi-même, je peux également rencontrer des freins qui enrayent le mouvement.

Dans cette phase, la raison humaine peut parfois m’empêcher d’être entraîné vers le bas. Des réflexions comme : est-ce qu’il faut vraiment tout lâcher ? Vois les autres, tu n’es pas seul ! : peuvent constituer ces freins.

En tout cas, ces quelques pistes de réflexion montrent bien que le combat spirituel est une réalité complexe qui fait appel autant à ma volonté qu’à mon intelligence. Elle touche les puissances (facultés) de mon âme. Mais dans ce combat, chacun peut mettre en œuvre des stratégies. On n’est pas dépourvu d’un certain nombre d’armes pour engager ce combat.

Dieu est là pour soutenir mes efforts au plus intime de mon âme, il vient fortifier les puissances de son intelligence et de sa volonté, notamment par la Parole de Dieu. Jésus lui-même indique ce chemin lors de ses tentations dans le désert : Il répond systématiquement au démon par des versets de la Parole de Dieu. A nous de nous laisser habiter par un certain nombre de versets bibliques ou de méditations de saints qui constituent la boussole de notre vie.

 

III/ Le reniement. Aimer et suivre le Christ (Lc 22,54).

La profession de foi, Pierre la fait avec spontanéité, avec un élan de générosité porté par le succès de la mission. Il était témoin de nombreux miracles : la tempête apaisée, la guérison d’un démoniaque, la résurrection de la fille de Jaïre et la multiplication des pains.

Mais le Christ invite Pierre à aller plus loin. L’évangile nous dit que Jésus, après sa profession de foi, annonce ses souffrances et sa condamnation à mort. Il appelle à une compréhension plus profonde de sa mission et de son identité : celle du Serviteur de Dieu qui sauve le monde par la croix. Et il invite les disciples à le suivre sur ce chemin.

Dans l’évangile de Matthieu, Pierre réagit vigoureusement, il réagit par la logique humaine, la logique de celui qui ne peut accepter une telle issue pour son Maître bien-aimé : non jamais ! ‘Il lui fait de vifs reproches’, nous dit l’évangile.

De plus, Pierre avait appris d’après la tradition religieuse que le Messie ne pouvait ni souffrir, ni mourir. Alors envisager le rejet des chefs du Peuple, sa mise à mort ! C’était inadmissible !

La réponse très dure de Jésus : « Passe derrière moi Satan », souligne l’enjeu. Pour Jésus, refuser la mort, écarter la croix, c’est se détourner de la volonté de Dieu et faire le jeu de Satan.

Ce chemin, Pierre va découvrir qu’il ne peut se faire que dans un total abandon au Christ. Pour cela, Pierre va connaître l’épreuve de la foi. Et lui-même va chuter, il va renier.

Mais contrairement à Judas, il ose dans sa chute se tourner vers le Christ. Dans l’épisode du reniement de Pierre en St Luc, c’est le regard du Christ qui provoquera les larmes de repentance de Pierre.

En reniant, Pierre a sans doute été travaillé par sa conscience. Il avait conscience d’avoir fait le mal en reniant un ami. Mais c’est en croisant le regard du Christ, qu’il a pris conscience de l’immense décalage entre l’amour du Christ et le sien. Ce n’est pas simplement un ami qu’il a renié, mais celui qui allait mourir pour lui, par amour.

Pierre apprend à ne pas évacuer la croix de sa vie. Elle est incontournable. La croix, c’est la logique de Dieu. Elle manifeste que Dieu sauve le monde par la seule puissance de son amour.

Dieu a rejoint la création en envoyant son propre Fils et en acceptant son rejet et sa mort pour guérir et recréer de l’intérieur le cœur de l’homme. C’est ainsi qu’une fois ressuscité, Jésus va inviter Pierre à se relever en accueillant cet amour : Pierre, m’aimes-tu ? (Jn 21)

Disposé à vivre de cet amour, Pierre pourra alors prendre le chemin du Christ jusqu’au don de sa propre vie, par amour. Il laisse Dieu prendre d’une manière concrète le gouvernail de sa vie.

A la suite de Saint Pierre et de tous les saints, notre foi est appelée à devenir un attachement toujours plus profond au Christ, un attachement qui passe par la croix, par une vie d’amour.

Pour suivre le Christ, le ‘je crois’ est appelé à devenir un ‘je t’aime’.

Pierre nous invite à ne pas craindre les épreuves de la foi, car elles viennent la purifier et la fortifier. Il faut pouvoir en parler avec un autre ou en direction spirituelle.

Avec Pierre, nous pouvons alors tendre vers cette foi qui est un lâcher-prise pour laisser Dieu agir, pour pouvoir dire en vérité, comme la Vierge Marie, ‘Qu’il me soit fait selon ta Parole !’ Elle ne dit pas, oui, je vais te donner un coup de main pour ton projet, mais je suis disposée à ma laisser guider par toi, par ton Esprit.

En traversant ces épreuves, comme Pierre, comme Marie, je peux apprendre à me décentrer de moi-même et m’ouvrir à Dieu et au prochain dans une vraie charité.

Saint Pierre lui-même renvoie à son cheminement spirituel dans sa première lettre : « Car vous étiez égarés comme des brebis, mais à présent vous êtes retournés vers le Pasteur et le gardien de vos âmes » (1P 2,25) ;  « Revêtez-vous tous d’humilité » c’est-à-dire « Nouez tous sur vous le sarrau de l’humilité, le tablier que Jésus a pris pour le lavement des pieds » (1P 5,5).

 

+ Vincent DOLLMANN

Archevêque de Cambrai

Article publié par Service communication • Publié le Lundi 27 février 2023 • 977 visites

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