Homélie de l'ordination de Maxence Leblond

prononcée par Mgr Vincent Dollmann le 21 juin 2020 à la cathédrale

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« Dieu nous a donné pour ministère de travailler à la réconciliation » (2 Co 5,18). Saint Paul donne une belle définition du ministère apostolique qui est confié au prêtre : le service de la réconciliation. Paul définit la réconciliation comme la libération du péché et du mal et la relation nouvelle entre Dieu et les hommes. Et cette œuvre, Dieu l’a réalisée une fois pour toutes par la mort et la résurrection de son Fils Jésus.

Ainsi, pas étonnant que Paul parle d’abord de « servir la Parole de la réconciliation ». Il s’agit pour lui d’annoncer que Jésus a réconcilié l’humanité avec Dieu en brisant le mur du mal et de la mort par sa croix. Ce message est le seul capable d’éclairer la situation de l’humanité, et plus que jamais dans le contexte actuel de la pandémie où nous sommes confrontés à la fragilité de la condition humaine et aux limites du progrès technique et scientifique. Face à la contagion du covid-19, riches et pauvres, petits et grands, nous n’avions comme seule réponse, que le confinement et comme seul remède, qu’un modeste masque.

Si avec tous les hommes de bonne volonté, nous voulons relire les événements et en tirer des leçons pour un monde plus solidaire et plus respectueux de la vie humaine et de la création, nous n’avons pas à mettre entre parenthèse la Bonne Nouvelle de la réconciliation en Jésus, ni d’en édulcorer la radicalité du message. Il nous faut par exemple oser interroger les contradictions de notre société qui est prête à risquer une récession économique pour sauver des vies humaines et qui parallèlement cherche à rallonger la durée légale de l’avortement. Force d’interpellation, l’évangile est aussi comme l’annonçait le prophète Isaïe, l’espérance d’un monde où les pauvres ont leur place et l’humanité au cœur brisé, est guérie.

Ainsi, selon l’enseignement de Jésus dans l’évangile de ce jour, la mission de l’Eglise ne consiste pas à rechercher des consensus entre des opinions opposées, encore moins des compromis avec l’exercice du pouvoir dans le monde. Mais sa mission est de conduire vers le Royaume de Dieu et d’en témoigner par une vie qui reconnaît Dieu comme Père et les hommes comme frères.

Serviteur de la parole de réconciliation, le prêtre est également selon l’expression de l’apôtre Paul, « ambassadeur du Christ ». Consacré par l’onction de l’Esprit-Saint à la suite du Christ, le prêtre est le serviteur des sacrements où le Christ offre la réconciliation en libérant du mal et en introduisant dans la vie en Dieu. Chaque sacrement, le réalise, c’est ainsi qu’au début de l’eucharistie nous sommes invités à prier ensemble le « Je confesse à Dieu » ou une formule similaire. Et à la consécration du pain et du vin, c’est le Christ qui s’offre à nous en vue de la réconciliation : « Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang répandu pour vous » dit Jésus en instituant l’eucharistie (Lc 22, 20).

Mais parmi les sept sacrements, il est bon de nous rappeler que l’un d’eux porte le nom de réconciliation. Il reste parfois malaimé et souvent ignoré. D’ailleurs l’Evangile de ce jour se déroule dans un contexte dramatique qui est adouci par le choix des extraits. Pourtant, après l’institution de l’eucharistie, Jésus annonce la trahison de Judas et après l’enseignement sur le service, il annonce le  reniement de Pierre. Si les apôtres eux-mêmes ont failli, pas étonnant que les disciples à travers le temps aient du mal avec l’accueil du pardon et de la vie nouvelle !

Ainsi, je me réjouis de savoir que durant tout le temps du confinement, le sacrement de la réconciliation était proposé dans le diocèse. Ici, dans notre cathédrale, des prêtres assuraient des permanences, permettant aux chrétiens de se confesser et de recevoir ensuite la Sainte Communion.

Pour expérimenter le don de la réconciliation, nous avons sans doute à mieux retrouver l’articulation étroite entre l’eucharistie et le pardon. Les deux sacrements ont été institués par le Christ lors de sa passion et de sa résurrection. Si le jeudi saint, Il institue l’eucharistie ; le jour de Pâques, Il souffle sur les apôtres leur remettant l’Esprit-Saint pour le ministère du pardon des péchés.

L’humanité en prise avec la pandémie et la crise économique qui en découle, laisse entendre un désir de réconciliation et de solidarité. A nous chrétiens de témoigner et de vivre de la réconciliation offerte par le Christ. A nous de donner à Maxence qui va être ordonné, ainsi qu’à tous les prêtres, l’opportunité de travailler pleinement à la réconciliation par le ministère de la parole et des sacrements.

L’Eglise fait mémoire en ce jour de saint Louis de Gonzague. Aîné d’une des familles nobles les plus illustres de l’Europe, il était destiné à une carrière prestigieuse dans le monde, mais il préféra suivre le Christ comme religieux jésuite. En prenant soin d’un pestiféré lors de l’épidémie de 1590, il fut atteint lui-même de la maladie. Il n’avait que 23 ans, mais son acte de charité, l’identifia au Christ lui-même. Alors qu’il n’était pas encore prêtre, il fit de sa vie une offrande d’amour à laquelle nous unit le Christ dans l’eucharistie. Il mourut dans la nuit du 20 au 21 juin 1591 ; cette date correspondait comme cette année, à l’octave de la fête du Saint Sacrement.

Sous le regard d’un tel saint, laissons retentir en nos cœurs l’appel de saint Paul : « L’amour du Christ nous saisit » (2 Co 5,14). Il nous saisit pour vivre de la vie nouvelle de réconciliés par la fidélité à la Parole et aux sacrements.

Merci Maxence, merci à vous prêtres, d’en être les fidèles serviteurs.

X Vincent Dollmann
Archevêque de Cambrai

Article publié par Service com • Publié le Lundi 22 juin 2020 • 1327 visites

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