« Quand tu fais l’aumône,
que ta main gauche ignore ce que fait ta main droite » (Mt 6,3)
Comme la prière et le jeûne, l’aumône constitue une pratique importante du Judaïsme et de l’Islam. Jésus invite ses disciples à entrer dans cette tradition, mais en lui donnant une profondeur et une ouverture nouvelles.
Jésus insiste d’abord sur l’attitude intérieure, il s’agit d’agir dans le secret, sous le regard du Père. D’ailleurs le terme « aumône » en grec peut se traduire également par « miséricorde ». Pour Jésus, l’aumône ne peut se réduire à une obligation légale, ni à une compétition religieuse ; elle est une réponse concrète à son appel : « soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux » (Lc 6,36).
Expression du cœur, le partage à la suite du Christ n’a pas de frontière. Le seul programme de l’Eglise, écrivait le Pape Benoît XVI, est celui du bon Samaritain, celui du Christ, « c’est un cœur qui voit. Ce cœur voit où l’amour est nécessaire et il agit en conséquence » (Encyclique Deus est caritas, n. 31).
L’aumône qui caractérise l’ensemble des gestes de service et de partage fortifie en nous l’esprit de charité. Il s’agit en fait d’emboiter le pas de Jésus, le Fils bien aimé qui a reflété en toute chose le visage d’amour de Dieu son Père.
Bien plus, en annonçant sa mort et sa résurrection par le geste du lavement des pieds, Jésus signifiait que c’était par le service jusqu’au bout qu’il allait porter le salut au monde. Lui, le Christ est le Serviteur par qui le salut est entré dans le monde. Le Baptême, sacrement du salut, comporte une onction du Saint Chrême qui manifeste notre consécration au Christ Serviteur. A l’image de la Vierge Marie qui s’est proclamée « servante du Seigneur » (Lc 1,38), c’est là notre dignité et notre gloire que personne ne pourra nous ravir.
Rendons grâce pour les baptisés et les hommes de bonne volonté qui ont à cœur le service et le partage en vue d’un monde plus respectueux des personnes et de la création. Rendons grâce pour les organisations caritatives et les congrégations religieuses apostoliques qui œuvrent auprès des pauvres de notre région et du monde entier. Le Carême nous offre l’occasion de leur manifester notre intérêt et notre soutien.
Notre disponibilité au service et au partage se renouvelle dans l’action de grâce par excellence qu’est l’eucharistie. Celle-ci nous ouvre à la circulation de l’amour de Dieu qui anime l’Eglise et qui la soutient dans sa mission.
En racontant le geste du lavement des pieds là où les autres évangélistes donnent l’institution de l’eucharistie, Jean veut souligner la priorité de l’attitude intérieure sur le rite et nous dire que la célébration eucharistique n’a de sens que si elle se déploie dans une vie de service.
L’eucharistie et la vie de service sont intimement liées ; on peut ainsi dire qu’il n’y a pas d’eucharistie sans lavement des pieds. La présence du diacre dans la liturgie est là pour nous le signifier.
Puissions-nous en ce Carême trouver l’élan et la joie du partage dans l’accueil de l’Esprit du Christ serviteur.
+ Vincent Dollmann
Archevêque de Cambrai