Célébrer la Toussaint dans la joie

Hier, une personne de tradition musulmane me demandait ce que signifie la fête de la Toussaint. Je lui ai répondu qu’elle offre l’occasion de fêter ensemble tous les saints, toutes les personnes, le même jour.  A cela, elle répliquait : mais si c’est un jour de fête, comment se fait-il alors qu’on parle des morts et que les jeunes se promènent avec des masques évoquant la tristesse et le mal ?

Dans ce contexte, comment inviter à célébrer la Toussaint dans la joie ?

Il est bon de savoir que les chrétiens durant les huit premiers siècles, la fêtaient au temps pascal pour honorer les martyrs qui avaient rejoint « l’immense foule qui se tient debout devant le Trône et devant l’Agneau, vêtue de robes blanches, avec des palmes à la main », selon la lecture de l’Apocalypse. Ce n’est qu’au 11ème siècle que la Communauté de Cluny prit l’habitude de commémorer tous les défunts dans le prolongement de la Toussaint, le 2 novembre.

Pour entrer dans le sens de la fête de la Toussaint sans oublier la commémoration des défunts le lendemain, il nous faut sans doute approfondir le sens de l’Eglise comme communion des saints. Cette communion concerne les saints parvenus au ciel, mais aussi les défunts et chacun d’entre nous qui cheminons encore sur cette terre. On parle ainsi de l’Eglise du ciel, admirablemnt évoquée dans la première lecture tirée de l’Apocalypse de saint Jean. On parle égalemnt de l’Eglise du purgatoire, de ceux qui avant l’entrée dans l’amour éternel du Père, « ont encore à se rendre purs comme lui-même est pur », selon l’expression de la Lettre de saint Jean, notre deuxième lecture. Et enfin, il y a l’Eglise de la terre, de ceux qui cherchent à suivre le Christ en prenant le chemin des béatiudes.

Si  cette communion ecclésiale entre ciel et terre, entre le monde visible et invisible est un don de Dieu, le fruit de la mort et de la résurrection du Christ, ce don, l’Eglise de la terre doit apprendre à l’accueillir. Ainsi pour nous, une tâche stimulante reste à accomplir, celle de rendre cette communion plus visible, celle de faire de l’Eglise, selon les propos du Pape Jean-Paul II, dans sa lettre pour le troisième millénaire, « la maison et l’école de la communion » (Novo Millennio Ineunte n. 43).

Pour vivre ce dynamisme de la communion, le Pape indiquait trois étapes : il s’agit premièrement de chercher à voir le positif chez l’autre, deuxièmement à l’authentifier et à le valoriser comme un don de Dieu, et finalement à l’accueillir comme un don qui est aussi pour moi, c’est à dire un don qui peut m’enrichir.

Déjà la première étape, celle de voir le positif chez l’autre, nécessite un effort particulier dans un monde où le carriérisme et l’individualisme prédominent. Mais dans cette attitude se joue notre foi en un Dieu créateur et sauveur. Si nous croyons en un Dieu créateur, alors nous devons reconnaître la dignité de tout être humain. Qu’il soit malade ou bien portant, riche ou pauvre, bon ou mauvais, il a reçu de Dieu le précieux cadeau de la vie et il porte ainsi en son cœur l’image de Dieu. Si nous croyons au Dieu Sauveur, nous sommes amenés à affirmer que tout homme est aimé de Dieu et appelé à prendre place au repas des noces. Il a ce projet fou de rassembler les hommes dans l’unité, de ramener à lui, comme le dit une des prières eucharistiques, tous ses enfants dispersés.

Quels changements dans mon quotidien et dans le monde, si au lieu de voir les défauts, tout ce qui ne va pas chez les autres, je cherchais à voir d’abord les qualités, le bien qui habite leurs cœurs !

En mettant en valeur le positif chez l’autre et en y reconnaissant le don de Dieu, nous sommes encore invités à en rendre grâce, bien plus à y trouver un encouragement et un soutien pour notre propre vie. A côté de l’Ecriture et des sacrements, Dieu nous parle et nous rejoint également à travers l’autre.

Cet entraînement à la communion à la suite du Christ peut nous paraître utopique face à toutes les limites et faiblesses humaines.

Pour oser avancer, nous pouvons compter sur le soutien des saints qui ont tous été des artisans de communion en puisant la force dans le sacrement de l’eucharistie, sacrement qui construit l’Eglise comme Mystère de communion.

En réponse à la tristesse de la fête païenne ‘Halloween’, nous pourrons alors affirmer ‘Holy wins’, la sainteté gagne, comme le font des jeunes chrétiens en proposant des concerts et des spectacles le jour de la Toussaint.

A la messe avant la communion, le prêtre dit cette prière: « Seigneur Jésus Christ… ne regarde pas nos péchés, nos désunions et nos indifférences, mais regarde la foi de ton Eglise, conduis-la vers l’unité parfaite, vers la pleine communion ». Puisse cette prière ne pas rester à de simples mots, mais habiter toujours davantage notre cœur et fortifier notre foi au Dieu, Père, Fils et Esprit-Saint qui veut attirer toute l’humainté dans sa Communion d’Amour et de Vie.

Laissons la joie de Pâques éclairer la fête de la Toussaint.

 

Toussaint 2019

+ Vincent Dollmann
Archevêque de Cambrai

 

 

 

 

 

 

 

Article publié par Service communication • Publié le Jeudi 07 novembre 2019 • 606 visites

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