« Le Christ et l’Église c’est tout un »
Cette fameuse réplique de sainte Jeanne d’Arc à ses juges, est un repère sûr pour ceux qui portent le souci de l’Eglise et de sa mission dans le monde actuel. Se référant à la sainte, le Pape François avait écrit : « On ne peut pas séparer le Christ de l’Eglise. La grâce du Baptême nous donne la joie de suivre le Christ dans et avec l’Eglise. » (tweet août 2013).
Etre disciple du Christ et être membre de l’Eglise qui est son Corps vivant, sont une même réalité. Jésus a pris notre chair pour arracher l’humanité à la solitude du péché et l’introduire dans la communion d’amour avec Dieu. Il est ainsi dommage que nous en soyons venus à distinguer les chrétiens pratiquants et non-pratiquants. Il est vrai qu’il y a des personnes qui manifestent une droiture et une honnêteté dans leur vie familiale et professionnelle, sans participer à la messe du dimanche. Mais le risque est grand de réduire la foi à une loi purement morale ou à une règle de vie. Est-ce qu’un père ou une mère peut se contenter de se consacrer à son travail professionnel et de considérer le temps en famille comme du temps perdu ? De même, pour la foi, on ne peut pas miser uniquement sur le comportement à tenir et les actions à mener ; la foi a besoin des moments gratuits pour se ressourcer dans les sacrements et dans la vie d’une communauté chrétienne.
D’un autre côté, si on considère ceux qui participent à l’eucharistie dominicale et aux célébrations de l’année liturgique, on peut parfois leur reprocher une attention trop grande à la tradition à observer. Les critiques à l’encontre de ceux qui sont fidèles aux célébrations sont souvent rapides, mais elles peuvent les recevoir comme une invitation à repérer les écarts entre le témoignage de vie et la fréquentation des sacrements. Car la foi nourrie par les sacrements est appelée à féconder la vie quotidienne par les œuvres d’amour, sinon elle est une foi morte.
Dans sa Lettre au Peuple de Dieu du 20 août 2019, le Pape François désire que tous les baptisés, laïcs et prêtres, réfléchissent aux causes des abus sexuels et plus largement des abus de pouvoir. Pour cela, il nous faut veiller également à tenir ensemble l’attachement à l’Evangile et à la Tradition vivante de l’Eglise. Or la encore notre histoire en France est marquée par des oppositions anciennes au niveau politique comme religieux. En Eglise, il est temps de dépasser les jugements entre progressistes et traditionalistes, entre ceux qui sont engagés dans le social et ceux qui sont attachés à la piété.
La réplique de sainte Jeanne d’Arc, « le Christ et l’Eglise, c’est tout un », est un appel à dépasser des clivages stériles pour laisser l’évangile du Christ irriguer notre vie et pour en devenir les relais à la suite des saints. Le renouveau de la vie diocésaine viendra de notre capacité à nous mobiliser pour l’évangélisation. Il s’agit d’oser interroger nos structures et nos modes de fonctionnement par rapport à ce seul souci : porter l’Evangile au monde d’aujourd’hui. Seule cette perspective peut rendre nos réflexions et notre prière fécondes. Elle nous invite à nous soutenir mutuellement pour dépasser nos options personnelles et nos clivages et pour nous aider mutuellement à nous convertir au Christ. Cela nécessite de le connaître par la prière et la formation, et de l’aimer à travers nos frères. C’est dans cet esprit que je propose en lien avec les différents conseils diocésains et sous la responsabilité du Père Mathieu Dervaux, vicaire général chargé de l’évangélisation, le rassemblement diocésain des équipes d’animation pastorale, le 28 mars prochain à l’établissement scolaire Saint-Michel de Solesmes. Ces équipes sont un lieu de collaboration entre prêtres et laïcs et de participation pour ces derniers à la mission pastorale du curé. Elles sont maintenant bien inscrites dans le paysage de la vie diocésaine. C’est l’occasion de faire le point et de saisir l’urgence d’aimer et de faire aimer le Christ et son Eglise.
Saint Jeanne d’Arc dont 2020 correspond au centenaire de sa canonisation est un témoin déroutant de la fécondité d’une vie de sainteté qui allie amour du Christ et de l’Eglise au cœur des vicissitudes de la guerre et du jeu de pouvoir entre les puissants de ce monde. Le Pape Benoît XV avait conclu ainsi son homélie : « Que les rois donc et les juges de la terre comprennent que Celui qui a sauvé par la main d’une femme une puissante nation d’un péril extrême, est le même qui dirige souverainement le cours des affaires de ce monde, et que ce n’est pas toujours en vain qu’on refuse de se soumettre à sa volonté souveraine. Et que les catholiques, s’inspirant des exemples de Jeanne d’Arc, se confient dans son patronage, soumettent en toutes choses leur esprit et leur cœur à Jésus-Christ ; servir le Sauveur, c’est régner maintenant et dans l’éternité. » (16 mai 1920).
+ Vincent Dollmann
Archevêque de Cambrai