L’Eglise fait partie du Symbole de foi
Après avoir professé sa foi en Dieu, Père, Fils et Esprit-Saint, le chrétien poursuit en affirmant : « Je crois à l’Eglise ». L’Eglise fait partie du contenu de la foi. Certes, elle ne l’est pas au même titre que la foi en Dieu Trinité lorsque le chrétien
affirme : « Je crois en Dieu, le Père, en Jésus-Christ, son Fils unique, en l’Esprit- Saint ». Quand il s’agit de Dieu, l’expression est « Je crois en » : il s’agit à la fois d’une parole de connaissance et d’un attachement à une personne, ici en
l’occurrence de l’attachement aux trois personnes de la Trinité. Pour l’Eglise, le croyant dit : « Je crois à l’Eglise », il affirme la reconnaissance de son existence et de son autorité. Dans le Symbole des apôtres, l’Eglise est mentionnée tout de suite après la mention de l’Esprit-Saint et apparaît ainsi comme son œuvre propre par laquelle il intervient dans le monde pour offrir la communion des saints, la rémission des péchés, la résurrection de la chair et la vie éternelle.
Mais mentionnée à la suite de la proclamation de foi en Dieu Trinité, l’Eglise n’est pas seulement la première des œuvres, mais le lieu choisi par Dieu pour se révéler et attirer l’humanité dans sa Gloire.
L’Eglise est Communion, car son origine est en Dieu ; la source de la
communion ecclésiale est la communion trinitaire
Le Symbole des apôtres affirme « Je crois à la Sainte Eglise catholique, à la communion des saints ». Ces deux articles sont à rapprocher, ils disent ce qu’est l’Eglise, don de communion du Dieu Trinité. Le Catéchisme de l’Eglise Catholique affirme ainsi que l’Eglise a été voulue par Dieu le Père, qu’elle a été instituée par le Christ et qu’elle est animée par l’Esprit-Saint (cf. CEC n. 758- 769).
-Elle est « un dessein né dans le cœur du Père ». L’épître aux Ephésiens rend grâce pour ce dessein forgé dès avant la création de l’univers : « Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus Christ... Il nous a élus dans le Christ dès avant la création du monde ». Ce qui fait dire à un auteur du IIe siècle : « Le monde fut créé en vue de l’Eglise » (Pasteur d’Hermas Vis2,4).
Dieu a manifesté ce projet dès la libération d’Egypte. Ainsi lors de la conclusion de l’Alliance au Sinaï, il dira par Moïse : « Vous avez vu vous-mêmes comment j’ai traité les Egyptiens, comment je vous ai emportés sur des ailes de vautour et amenés à moi » (Ex19,4). Dieu est non seulement le Libérateur qui s’oppose à l’oppression et à toute forme de mal, mais il est aussi le Dieu de miséricorde qui appelle un peuple à vivre en communion avec lui.
D’ailleurs le terme Eglise dans l’Ancien Testament évoque en premier lieu l’assemblée du Sinaï quand Israël reçu la Loi et fut établi par Dieu comme son Peuple.
-L’Eglise est « instituée par le Christ Jésus ». Elle est comme l’affirme encore le Concile, « Le Règne du Christ déjà mystérieusement présent » (LG3).
« Kirche » en allemand ou « church » en anglais traduisent d’ailleurs le grec « kyriakè » qui signifie « ceux qui appartiennent au Seigneur ».
- L’Eglise nous dit encore le Catéchisme est « manifestée par l’Esprit Saint ».
Saint Ambroise disait que « l’Esprit Saint construit l’Eglise ». Le Saint-Esprit a été donné aux disciples dès la mort et la résurrection, saint Jean situe l’envoi au moment de la mort, sur Marie et Jean. Cet envoi est renouvelé le jour même de la résurrection. Le Saint-Esprit est le souffle, l’âme de l’Eglise.
Il est donné une nouvelle fois à la Pentecôte en vue de la mission. En tant qu’âme de l’Eglise, il est celui qui dispense les dons nécessaires en vue de la triple mission.
La mise en œuvre de la communion
Si la communion ecclésiale est profondément un don qui nous enracine en Dieu lui-même, ce don reste à accueillir. Une tâche stimulante reste à accomplir, celle de rendre cette communion plus visible, celle de faire de l’Eglise, « la maison et
l’école de la communion » selon l’expression du Pape Jean-Paul II dans sa lettre pour le IIIe millénaire (Lettre apostolique Novo Millennio ineunte, au début du nouveau millénaire, 6 janvier 2001, n.42)
a. Les éléments institutionnels :
- Les ministères ordonnés institués par le Christ expriment l’identité de l’Eglise comme don de communion et ont mission d’en faire le lieu de la communion. Le diacre, le prêtre, l’évêque n’est pas ordonné pour lui-même, mais pour l’Eglise et le monde.
-Les autres structures mises en place pour favoriser la communion ecclésiale.
A côté des conciles et des synodes, il faut citer celles qui ont un caractère permanent :
Les conférences épiscopales. Elles ont été officialisées et étendues à toute l’Eglise à la suite du Concile Vatican II (Cf décret Christus Dominus n. 37-38)
Les conseils presbytéraux, suscités également par le Concile Vatican II. Le décret Presbyterorum Ordinis (n.7) invitait à constituer dans chaque diocèse une « commission ou sénat de prêtres » qui aideraient efficacement l’évêque de leurs conseils dans le gouvernement de son diocèse.
Les conseils pastoraux qui réunissent clercs, religieux et laïcs.
b. L’esprit de communion : si on n’entretenait pas une spiritualité de la communion, les institutions et les structures, affirmait Jean-Paul II, deviendraient des « façades sans âme, des masques de communion plus que ses expressions et
ses chemins de croissance » (Novo Millennio ineunte n.43).
Pour vivre ce dynamisme de la communion, le Pape indiquait trois étapes : il s’agit premièrement de chercher à voir le positif chez l’autre ; deuxièmement à l’authentifier et à le valoriser comme un don de Dieu ; et finalement à l’accueillir comme un don qui est aussi pour moi, c’est à dire un don qui peut m’enrichir.
Déjà la première étape, celle de voir le positif chez l’autre, nécessite un effort particulier, elle est une exigence qui découle de la foi au Dieu créateur et sauveur. Si nous croyons en un Dieu créateur, nous devons reconnaître la dignité de tout être humain. Qu’il soit malade ou bien portant, riche ou pauvre, bon ou mauvais, il a reçu de Dieu le précieux cadeau de la vie et il porte en son cœur l’image de Dieu. Si nous croyons au Dieu Sauveur, nous sommes amenés à affirmer que tout homme est aimé de Dieu et appelé à prendre place au repas des noces.
En mettant en valeur le positif chez l’autre et en y reconnaissant le don de Dieu, nous sommes encore invités à en rendre grâce, bien plus à y trouver un encouragement et un soutien pour notre propre vie. A côté de l’Ecriture et des sacrements, Dieu nous parle et nous rejoint également à travers l’autre.
Cet entraînement à la communion à la suite du Christ peut me paraître utopique face à toutes les limites et faiblesses humaines.
L’eucharistie construit l’Eglise Communion, elle renouvelle notre vie dans l’esprit de communion
Notons encore que le terme communion s’applique à trois réalités fondamentales qu’il nous faut tenir ensemble : Dieu Trinité, Communion du Père, du Fils et du Saint-Esprit ; l’Eglise, communion entre Dieu et les hommes et l’eucharistie don et germe de cette communion.
Dans l’eucharistie, c’est Dieu Trinité d’amour qui est à l’œuvre. Nous pouvons le découvrir dans l’expérience de la Vierge Marie à l'Annonciation. Cet événement est la première manifestation du Dieu Trinité : Dieu révèle à Marie qu’elle concevra Jésus, le Fils Bien-aimé par l’action de l’Esprit-Saint.
En reconnaissant l’action du Dieu Trinité dans la venue du Fils sur terre, nous pouvons alors préciser la présence de chaque Personne dans l’eucharistie. Dans le prolongement de l’Incarnation, le Père agit dans l’eucharistie comme origine et terme. Si le Fils est présent dans l’eucharistie, c’est parce que Dieu l’a envoyé. Dans son discours sur le pain de vie, Jésus dira « Le Père donne le pain du ciel, le vrai » (Jn 6,32). Et la présence du Fils n’a comme seul objectif que de nous conduire vers le Père.
Quant à l’Esprit-Saint, il est l’agent, le moyen actif. C’est « Lui qui vivifie » dit encore Jésus (Jn 6,63). Il rend possible la présence du Christ dans l’eucharistie de la même manière qu’il est intervenu dans le sein virginal de Marie pour permettre au Christ de prendre chair, de la même manière encore qu’il est intervenu à sa mort et à sa résurrection pour introduire sa chair dans l’état glorieux.
Cette fidélité à l’eucharistie était et demeure une force pour des chrétiens jusque dans les situations extrêmes pour garder le lien vivant au Christ et à son Eglise. Je pense à une figure contemporaine, le Card. François Xavier Thuan, né en 1928 au Vietnam. Il a été nommé évêque de Hanoï, la capitale, en 1975 et rapidement emprisonné par les autorités communistes et détenu pendant 13 ans jusqu’en 1988. Il avait alors l’obligation de quitter son pays et le Pape Jean-Paul II en a fait un de ses proches collaborateurs. Le Pape François vient de le proclamer « vénérable », première étape vers la canonisation.
Lorsqu’il a été arrêté, dès qu’il avait la permission d’écrire, il a demandé : « S’il vous plaît, envoyez-moi un peu de vin, comme médicament contre le mal d’estomac ». Les proches lui ont envoyé une petite bouteille de vin, avec l’étiquette : « Médicament contre le mal d’estomac », et des hosties cachées dans une torche. Il écrit dans son livre : « On ne pourra jamais exprimer ma grande joie ; chaque jour, avec trois gouttes de vin et une goutte d’eau dans la paume de la main, je célèbre la Messe. Voilà mon autel et voilà ma cathédrale ! C’est le vrai remède de l’âme et du corps. ‘Remède d’immortalité, antidote pour ne pas mourir, mais pour avoir toujours la vie en Jésus’ comme le dit Ignace d’Antioche ». « Chaque jour en récitant les paroles de consécration, je ratifie de tout mon être et de toute mon âme un nouveau pacte, un pacte éternel entre Jésus et moi, par l’intermédiaire de son sang mêlé au mien. Ce furent les plus belles messes de ma
vie » (Témoins de l’espérance p 165-169).
Plus loin, il raconte la célébration des messes dans le camp de rééducation : les prisonniers étaient répartis dans les cellules par groupe de 50 et dormaient à plusieurs sur un même lit. Les chrétiens s’arrangeaient pour entourer l’évêque. Et à l’extinction des feux, allongé sur le lit, il célébrait l’eucharistie. Les chrétiens qui pouvaient communier fabriquaient des sachets avec le papier des paquets de cigarette pour y conserver le Saint sacrement et le porter aux autres durant la journée. On se relayait même la nuit pour des temps d’adoration. De nombreuses personnes étaient touchées par la grâce, des chrétiens retrouvaient la ferveur de la foi et d’autres demandaient le baptême, dont de nombreux bouddhistes.
L’eucharistie donne part à la communion au Dieu Trinité d’Amour et à la communion entre tous les membres de l’Eglise, ceux qui sont en pèlerinage sur cette terre, ceux qui sont déjà au ciel et ceux qui sont en route vivant encore un temps de purgatoire. L’eucharistie nous garde dans la communion de vie à Dieu et de charité aux autres.
Demandons à Notre Dame de Grâce et au Vénérable François Thuan de veiller sur notre attachement à l’Eglise Communion et à notre fidélité à l’eucharistie qui construit l’Eglise Communion.