L’Église appelée et envoyée
par le Christ Ressuscité
Il y plus de cinquante ans déjà, le Concile Vatican II a voulu préciser l’identité et la mission de l’Église dans le monde d’aujourd’hui. La Constitution Lumen Gentium donne un enseignement qui garde toute sa pertinence. Elle met à l’honneur la notion de Peuple de Dieu, l’égale dignité de chaque baptisé et l’articulation entre les différents ministères et vocations.
Pour ne pas en rester à une approche sociologique et institutionnelle, il nous faut toujours revenir au titre Lumen Gentium, lumière des nations, qui ne s’applique pas à l’Église, mais au Christ. C’est par ce titre que Syméon salue Jésus enfant lors de sa Présentation au Temple. Nous reprenons cette salutation chaque soir aux Complies : « Lumière qui se révèle aux nations et donne gloire à ton peuple Israël ».
En contemplant l’Église dans ce lien au Christ, nous pouvons adhérer à l’affirmation de notre tradition catholique qu’elle a été voulue et instituée par le Christ. Nous ne pouvons pas admettre l’affirmation d’Alfred Loisy, théologien libéral de la fin du 19e siècle et début 20e siècle : « Jésus a prêché le Règne de Dieu, et l’Église est venue ». L’Église est perçue par cet auteur comme une trahison du message et de la volonté de Jésus, or tout montre combien Jésus a voulu renouveler le peuple de Dieu pour le rassembler dans son amour sauveur. En annonçant la croix, l’accomplissement de son œuvre de salut, il affirmera : « Lorsque je serai élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes » (Jn 12).
Il donnera même à l’Église une structure en instituant les Douze apôtres dès le début de son ministère et il l’animera de son souffle de vie et d’amour en envoyant l’Esprit-Saint à la Pentecôte.
Si le mot Église signifie appelé, le mot Church en anglais ou Kirche en allemand signifie appartenir au Seigneur. Les deux termes ensemble indiquent bien la richesse de l’identité et de la mission de l’Église : elle est le peuple appelé gratuitement par Dieu et animé par l’Esprit-Saint pour vivre du Christ ressuscité.
En ce temps éprouvant pour l’Église, nous devons faire davantage confiance au Christ qui seul est le Sauveur et rend féconds nos engagements, même les plus humbles et quotidiens. En considérant l’histoire, il faut reconnaître que la situation de l’Église dans le monde n’est pas fondamentalement différente des premiers temps. Elle est liée à son identité et à sa mission, à la fois divines et humaines, comme l’exprimait déjà avec force un document du 2ème siècle : « Les chrétiens ne se distinguent des autres hommes ni par le pays, ni par le langage, ni par les coutumes […] Toute terre étrangère leur est une patrie, et toute patrie leur est une terre étrangère. Ils se marient comme tout le monde, ils ont des enfants, mais ils n’abandonnent pas leurs nouveau-nés. Ils prennent place à une table commune, mais qui n’est pas une table ordinaire. Ils sont dans la chair, mais ils ne vivent pas selon la chair. Ils passent leur vie sur la terre, mais ils sont citoyens du ciel. […] En un mot, ce que l’âme est dans le corps, les chrétiens le sont dans le monde. L’âme est répandue dans les membres du corps comme les chrétiens dans les cités du monde. L’âme habite dans le corps, et pourtant elle n’appartient pas au corps, comme les chrétiens habitent dans le monde, mais n’appartiennent pas au monde. […]
Le poste que Dieu leur a fixé est si beau qu’il ne leur est pas permis de le déserter » (Lettre à Diognète, nn. 5-6).
+ Vincent Dollmann
Archevêque de Cambrai