L’Église de la terre en pèlerinage vers le Ciel
Le chrétien sur cette terre est un pèlerin. Il sait donc où il va ; il a une destinée, un lieu où Dieu lui donne rendez-vous. Il répond à un appel de Dieu pour faire l’expérience du Dieu vivant qui marche aux côtés de l’humanité et la conduit vers la joie du ciel.
Abraham, le père des croyants a été le premier pèlerin. Il a vécu dans un monde qui était basé sur des rapports d’intérêts comme le rapporte le récit des guerres entre les villes et qui ne faisait pas grand cas de la vie d’une personne (Gn 12, 10 ; 14). En quête de Dieu et de sa justice, Abraham a entendu son appel : « Quitte ton pays, ta parenté et la maison de ton père, et va vers le pays que je te montrerai » (Gn 12,1).
L’ordre « va » a une forme rare en hébreu ; l’impératif est suivi d’un pronom « toi », qui n’est habituellement pas traduit. On pourrait traduire par « va-t-en », ce qui souligne la radicalité du détachement demandé à Abraham, ou par « va vers toi », ce qui exprime l’appel à un détachement intérieur. Mais on peut encore traduire l’expression par « va pour toi », ce qui révèle déjà le dessein bienveillant de Dieu. Quand il appelle l’homme, c’est pour son bonheur. Une terre et une descendance nombreuse représentaient d’ailleurs ce que les contemporains d’Abraham pouvaient désirer de mieux. Mais à travers la promesse de ces biens terrestres, Abraham découvrait la possibilité d’une relation concrète et personnelle avec Dieu. La terre promise devenait pour lui terre de la rencontre et de la communion avec Dieu, « le pays que je te montrerai »
Le pèlerinage de foi d’Abraham et du Peuple de l’Ancienne Alliance trouvera son aboutissement en Jésus, le Fils de Dieu qui le mènera avec toute l’humanité à son terme, au Ciel. Au début de son évangile, saint Matthieu présente Jésus comme le fils d’Abraham et utilise le terme « commencement ». Pour l’évangéliste, la naissance de Jésus marque un nouveau départ, aussi important que la mise en route du patriarche Abraham. Bien plus, en utilisant le terme grec « genesis, genèse », l’évangéliste parle d’un « commencement » qui renvoie à la création elle-même.
Entré dans la gloire de Dieu par sa mort et sa résurrection, Jésus indique notre destinée, mais la rend également accessible, la rend toute proche de nous. Il est le pont entre ciel et terre et le pasteur de l’Eglise où il offre concrètement la communion entre les saints, les défunts et ceux qui cheminent encore sur la terre ; on parle ainsi d’Eglise du ciel, du purgatoire et de la terre.
Quand le Livre de l’Apocalypse décrit la réalité paradisiaque au bout de l’Histoire, il ne parle pas d’un jardin, mais d’une cité, la Jérusalem nouvelle (Ap 21,1 – 22,5). Elle est présentée comme la demeure de Dieu avec les hommes et désigne l’Eglise de la terre et du purgatoire unie définitivement à l’Eglise du ciel.
Mais déjà, ceux qui sont encore en pèlerinage sur la terre peuvent vivre de ce lien de communion à l’Eglise du ciel par les sacrements et spécialement par l’eucharistie. Après la consécration, le prêtre mentionne d’ailleurs « l’Eglise répandue à travers le monde », « tous les hommes qui ont quitté cette vie » et « les saints de tous les temps » (Prière eucharistique II). Dans sa dernière encyclique sur l’eucharistie dans son rapport à l’Eglise, en 2003, saint Jean-Paul II écrit : « L’eucharistie, présence salvifique de Jésus dans la communauté des fidèles et nourriture spirituelle pour elle, est ce que l’Eglise peut avoir de plus précieux dans sa marche au long de l’histoire. » (n.9).
En ces mois d’été, je prie le Seigneur pour que de nombreux touristes deviennent un peu pèlerins, lors des visites de lieux de prière et des rencontres de communautés chrétiennes. Mais, je prie également pour que les chrétiens portent la Bonne Nouvelle du Christ dans les lieux de détente et de culture. Par sa mort et sa résurrection, le Christ seul peut conduire l’humanité vers Dieu qui veut la rassembler dans l’Eglise du ciel, la cité sainte.
+ Vincent Dollmann
Archevêque de Cambrai