« Laissez-vous réconcilier avec Dieu… C’est maintenant le jour du salut » En cet appel de saint Paul dans sa lettre aux Corinthiens nous avons le sens profond du Carême : ce temps nous prépare à accueillir le salut dans nos vies et à en vivre. Le salut ? Un mot galvaudé qui n’a plus que la signification d’un bonjour. Saint Paul lui, vise le salut obtenu par le Christ qui répond à l’aspiration la plus profonde de notre cœur, à celle de la réconciliation.
Pour les habitants de Corinthe, le terme réconciliation évoquait l’amnistie que César avait octroyée aux habitants lors de la construction de la ville. En référence à cet événement, saint Paul parle de réconciliation pour décrire le salut que le Christ nous a obtenu par sa croix et sa résurrection : la libération du péché et la relation nouvelle entre Dieu et les hommes. Pour l’apôtre, les deux termes, réconciliation et salut, sont en quelque sorte synonyme.
Le temps du Carême nous est offert pour renouveler notre foi dans le salut en Jésus qui nous réconcilie avec Dieu notre Père et avec les hommes nos frères.
Un peu plus loin dans sa lettre, saint Paul donne le contenu de la foi chrétienne : « Je vous ai transmis en premier lieu ce que j’avais moi-même reçu, à savoir que le Christ est mort, pour nos péchés selon les Écritures, qu’il a été enseveli, qu’il est ressuscité le troisième jour, selon les Écritures, qu’il est apparu à Képhas, puis aux Douze » (1Co15).
Cette formule de foi semble être construite pour être apprise par cœur, comme une prière. Saint Paul dit qu’il l’a lui-même reçue. Il fait sans doute allusion à la célébration de son baptême à Damas. Les premiers Chrétiens récitaient quotidiennement cette profession de foi en mémoire de leur baptême. Les deux textes, le Symbole des apôtres et celui de Nicée-Constantinople, sont des développements de cette première profession de foi baptismale. Comment ne pas être encouragés à renouer avec la tradition des premiers chrétiens et à apprendre par cœur ces deux textes !
Le Carême est ainsi non seulement le temps pour renouveler notre foi dans le salut mais pour en faire l’expérience en nous renouvelant dans la grâce du baptême. Nous y sommes encouragés par les 83 catéchumènes de notre diocèse qui se présenteront dimanche prochain à l’appel décisif en vue du baptême à Pâques. Avec eux, il s’agit d’expérimenter le salut en Église. Comme l’exprimait le Pape Jean-Paul II dans son exhortation Réconciliation et pénitence de 1984, l’Église est le grand sacrement de réconciliation qui donne accès au salut en Jésus (n. 11).
L’Église , écrit le Pape, l’est d’abord par « son existence même de communauté réconciliée ». En vivant des liens de respect et de fraternité au sein de nos communautés, nous pouvons expérimenter la réconciliation et comme par contagion la transmettre aux structures de la société où nous vivons. D’ailleurs, les efforts de charité que nous pouvons pratiquer, d’une manière plus intense en ce temps béni du Carême, nous offrent accès au pardon de nos péchés véniels, de ces péchés qui interfèrent quotidiennement dans nos relations et nos projets et qui nous renvoient à notre condition de pécheurs. Mais pour Jean-Paul II, l’Église porte encore le salut comme réconciliation « par son service de gardienne et d’interprète de la Sainte Écriture ». Notre effort d’annonce et de témoignage de la Bonne Nouvelle contribue à étendre la réconciliation dans les cœurs des hommes pour les enraciner dans la joie du Christ.
Enfin, l’Eglise est sacrement de réconciliation « par les sept sacrements, instruments de conversion à Dieu et de réconciliation des hommes ». L’un des sacrements porte le nom de réconciliation. Le temps du Carême nous est donné pour le vivre plus intensément et y trouver force afin d’enraciner notre vie dans la joie et l’espérance du salut que nous fêterons à Pâques.
Alors accueillons l’appel de saint Paul qui traverse les siècles et se fait pressant au début sur le chemin du Carême vers Pâques. Comme successeur des apôtres, avec Paul et à sa suite, je vous dis : « Frères, nous sommes les ambassadeurs du Christ, et par nous c’est Dieu lui-même qui lance cet appel : nous le demandons au nom du Christ, laissez-vous réconcilier avec Dieu […] C’est maintenant le moment favorable, c’est maintenant le jour du salut. »
+ Vincent Dollmann
Archevêque de Cambrai