L’évangile de la Samaritaine, dimanche dernier, nous mettait devant la proposition inouïe de Jésus, d’une rencontre personnelle avec chaque personne quelle que soit sa culture ou son parcours de vie. L’évangile de l’aveugle-né indique la transformation intérieure de celui qui se laisse rencontrer par le Christ ; il est illuminé de l’intérieur. C’est le don de la foi ! Reçu au baptême, ce don fait du catéchumène un porteur du Christ, lumière du monde. Dans la deuxième lecture, saint Paul peut ainsi interpeller les chrétiens d’Ephèse en affirmant : « Dans le Seigneur, vous êtes lumière ».
La guérison de l’aveugle-né nous fait découvrir la valeur inestimable de ce don. En appliquant de la boue sur ses yeux, le Christ intervient au nom du Dieu créateur et l’appelle à devenir une créature nouvelle, un homme de foi.
L’évangile de l’aveugle-né peut être lu comme une pédagogie de la foi de la part du Christ. Bien que soutenu par les encouragements et la révélation de Jésus lui-même, le cheminement de l’aveugle-né n’a pas été sans obstacles, ni difficultés. Ceux-ci sont évoqués dans les réactions des différents groupes qui demeurent sceptiques sur sa guérison et s’interrogent sur l’identité de Jésus.
Avant même la guérison de l’aveugle, les disciples de Jésus manifestent combien il est difficile à un homme de prendre du recul par rapport à des à priori et des raisonnements tout faits : « Rabbi, qui a péché, lui ou ses parents, pour qu’il soit né aveugle ? ». Une fois guéri, il est interpelé par ses voisins qui se cantonnent au fait divers et se demandent ‘comment’, et ‘où’ cela a pu arriver.
Quant aux parents de l’aveugle, témoins privilégiés du changement opéré chez leur fils, ils évitent de se prononcer sur Jésus par peur d’être montrés du doigt et mis à l’écart de la société. Et les pharisiens, enfermés dans leur savoir et dans leur pouvoir, se durcissent par rapport à Jésus, allant jusqu’à déclarer : « Nous savons, nous, que cet homme est un pécheur ».
Alors que les personnes que côtoie l’aveugle guéri, manifestent de véritables hésitations voire une opposition à l’égard de Jésus, celui-ci progresse dans la foi. Il s’appuie sur l’Ecriture et la sagesse des croyants pour reconnaître progressivement Jésus, comme un prophète, un envoyé de Dieu et finalement le Fils de l’homme, « venu pour rendre un jugement ».
Comme pour l’aveugle-né, les guérisons physiques veulent être un signe du jugement et du salut que Jésus a portés au monde par sa mort et sa résurrection.
Le jugement dont parle Jésus est la lutte entre la lumière et les ténèbres, la vie et la mort. Cette lutte ne se manifeste pas seulement dans le monde, mais aussi dans le cœur de l’homme. Jésus est venu porter la lumière et la vie dans toutes les situations humaines, là où les personnes souffrent de maladie, là où elles se font du mal par le péché, jusque dans la mort. Il est véritablement la lumière du monde. Il peut éclairer toutes les ténèbres. Ainsi, tandis que les pharisiens chassent l’aveugle-né de la communauté, Jésus s’adresse encore à eux et les invite jusqu’au bout à accueillir la lumière en reconnaissant leur enfermement et leur péché.
Par le baptême, Jésus donne part à sa victoire sur les ténèbres et la mort et fait du baptisé un enfant de la lumière. Ainsi, le cantique que saint Paul évoque dans sa lettre, ne désigne pas ce que nous serons après la mort, mais bien ce que nous devenons par le baptême : « Réveille-toi, ô toi qui dors, relève-toi d’entre les morts, et le Christ t’illuminera »
Dans le prolongement de la liturgie de la Parole est prévu pour les catéchumènes le deuxième scrutin qui implore la libération de toutes ténèbres et l’accueil de la lumière du Christ.
Avant d’imposer les mains sur eux, le célébrant prie ainsi : « Père de toute clarté, toi qui donnas à l’aveugle-né de croire en ton Fils et d’entrer par cette foi dans le royaume de ta lumière, fais que les catéchumènes soient libérés de toute erreur qui les enferme et les aveugle ; et donne-leur la grâce de s’enraciner fermement dans la vérité, pour devenir fils de lumière, et le demeurer toujours. Par Jésus, le Christ, notre Seigneur. ».
Amen !
+ Vincent DOLLMANN
Archevêque de Cambrai