Au seuil de la terre Promise, Moïse enseigne une dernière fois le Peuple d’Israël en lui transmettant son testament spirituel : « Souviens-toi de la longue marche des quarante années dans le désert ». Et il évoque la pédagogie de Dieu : « Il t’a donné à manger la manne – cette nourriture que ni toi ni tes pères n’aviez connue – pour que tu saches que l’homme ne vit pas seulement de pain, mais de tout ce qui vient de la bouche du Seigneur » (Cf. Dt 8, 2-3).
Sa traversée du désert révélait au Peuple de Dieu que l’Histoire de l’humanité n’était pas un cycle marqué par un éternel recommencement, mais une marche que Dieu voulait accompagner avec les soutiens des dons de la Parole et de la manne. La traversée du désert vers la Terre promise n’était en réalité qu’une étape d’un long cheminement de l’humanité vers Jésus, le Fils de Dieu qui seul le mène à son terme. Par sa mort et sa résurrection, Jésus donne la vraie manne, son corps et son sang qui fait entrer dans la terre promise définitive, celle de la communion vivante et éternelle avec Dieu. Jésus affirme ainsi : « De même que le Père, qui est vivant, m’a envoyé, et que moi je vis par le Père, de même celui qui me mange, lui aussi vivra par moi » (Jn 6,57).
La Fête du Corps et du Sang du Christ instituée au XIIIe siècle, a été marquée très tôt par la procession du Saint-Sacrement. Celle-ci honore le Christ comme le Pasteur de nos existences et le Pain de la route vers le banquet du ciel. Il est heureux que Douai qui a été gratifié d’un miracle eucharistique au moment de la mise en place de cette fête, maintienne vivante la tradition de la procession à travers les rues de la ville.
Il s’agit d’une démarche spirituelle qui garde toute son actualité. A l’heure des défilés pour défendre les droits sociaux ou des marches blanches pour rendre hommage à une victime, les chrétiens ne devraient pas hésiter à se manifester sur les lieux publics pour témoigner de leur foi au Christ.
La possibilité d’organiser des processions est une garantie de respect de la liberté religieuse. Là où les religions ne peuvent plus s’exprimer dans la sphère publique, toutes les autres libertés sont fragilisées. La procession du Saint-Sacrement est marquée par la louange à Dieu et la participation de toutes générations et classes sociales ; elle participe ainsi à nouer des liens fraternels entre les habitants d’une cité et d’un pays.
Je suis pour ma part profondément attaché à la Fête-Dieu et à sa procession ; depuis ma tendre enfance, je n’ai jamais manqué de participer à cette fête.
Dans mon village natal, l’ensemble des habitants se mobilisait et rivalisait de créativité pour installer chaque année les tapis de fleur et les quatre reposoirs.
Comme coopérant à l’Ile Maurice, j’ai pu communier à la ferveur des habitants qui accueillaient Jésus Eucharistie sur les chemins poussiéreux de la banlieue de Port-Louis.
Et durant mon ministère à Rome, j’ai eu la grâce de pouvoir me rendre chaque année à la Basilique Saint-Jean-du-Latran pour concélébrer à la messe présidée par le Pape et suivre la longue procession jusqu’à la Basilique Sainte-Marie-Majeure. La fête maintenue le jeudi, occasionne d’importants embouteillages, mais les automobilistes manifestent ce jour-là beaucoup de patience, comme pour honorer le Seigneur qui parcourt la Cité.
Et aujourd’hui, comme archevêque du diocèse qui comporte Douai, cité de l’eucharistie, je suis heureux de pouvoir louer le Seigneur dans l’eucharistie au milieu de ses habitants et des pèlerins venus des régions voisines et même d’Alsace.
La Séquence du Lauda Sion que nous avons chantée avant la proclamation de l’Evangile est habituellement reprise durant la procession. Elle invite Sion, c’est-à-dire le Peuple de Dieu, à célébrer le Christ, Sauveur et Pain vivant qui mène son pèlerinage à terme : « O Bon Pasteur, toi qui sais tout et qui peux tout, toi qui sur terre nous nourris, conduis-nous au banquet du ciel et donne-nous ton héritage, en compagnie de tes saints ».