Homélie : Fête Dieu

Collégiale Saint Pierre de Douai, 14 juin 2020

 

« N’oublie pas le Seigneur ton Dieu qui t’a fait sortir du pays d’Egypte, de la maison d’esclavage » (Dt 8,14). C’est l’invitation de Moïse au peuple qui approche de la Terre Promise après sa longue marche à travers le désert. « N’oublie pas le Seigneur » cette invitation de Moïse est d’actualité alors que le monde reste aux prises avec la pandémie du covid-19. Cette crise sanitaire qui entraine une crise économique doit réveiller nos consciences et notre foi. Car en cette période, Dieu n’est pas absent, bien au contraire, plus que jamais il nous donne la lumière et le courage de son Esprit-Saint pour servir son Règne de paix et de justice. Dieu nous donne encore davantage que les dons de son Esprit ; il se donne lui-même en son Fils Jésus. Celui-ci l’a attesté dans son discours sur le pain de vie : « De même que le Père, qui est vivant, m’a envoyé, et que moi je vis par le Père, de même celui qui me mange, lui aussi vivra par moi » (Jn 6,57).

L’invitation à se souvenir est pour nous croyants un acte de foi en la présence de Dieu à la vie des hommes. Dès le premiers temps de l’Eglise, les chrétiens avaient coutume de relire les événements de la journée, en remerciant Dieu pour les grâces reçues et en demandant pardon pour les péchés.

Mais cette prière de mémoire prend toute son ampleur dans l’eucharistie. La prière d’ouverture de la fête d’aujourd’hui parle de l’eucharistie comme du « mémorial de la passion du Christ ». La  mort et la résurrection du Christ attestent la fidélité de Dieu ; la libération de l’esclavage en Egypte pour son Peuple n’était ainsi qu’une annonce de la libération définitive par le Christ, du mal et de la mort pour toute l’humanité. Bien plus, la mort et la résurrection du Christ est l’événement indépassable qui est perpétuellement présent à l’histoire de l’humanité et auquel nous avons part dans l’eucharistie qui en est le mémorial. Dans sa lettre aux Corinthiens, saint Paul pourra ainsi nous interpeler : « La coupe de bénédiction que nous bénissons, n’est-elle pas communion au sang du Christ ? Le pain que nous rompons n’est-il pas communion au corps du Christ ? » (1Co 10,16).

A la messe, mémorial de la Passion du Christ, nous n’évoquons pas un événement du passé, mais nous l’accueillons pour communier à l’amour par lequel Jésus a sauvé le monde. D’ailleurs, lors de la préparation des dons, le prêtre dit : « Tu es béni Dieu de l’univers, Toi qui nous donnes ce pain, ce vin, fruits de la terre et de la vigne, mais aussi du travail des hommes ». Nous présentons au Père, notre travail et nos projets, nos peines et nos joies et celles de toute l’humanité pour nous laisser renouveler dans l’amour du Christ qui s’offre au Père.

La messe nous transforme de l’intérieur, elle travaille notre cœur pour le rendre davantage semblable à celui du Christ. Elle offre ainsi à notre vie une vraie fécondité, comme nous pouvons le contempler chez les saints. Je pense particulièrement au Pape Jean-Paul II dont nous fêtons cette année le centième anniversaire de sa naissance. Il nous a laissé comme dernier écrit la Lettre apostolique Mane Nobiscum qui traitait de l’eucharistie, manifestant combien elle était pour lui la source de sa fidélité au Christ et de son zèle pour la mission.

Quand le dictateur Staline se moquant du pape disait : « Le pape ? Quelle est sa puissance ? Combien de tanks possède-t-il ? », il ne pouvait imaginer que son empire allait tomber comme un château de cartes soixante-dix ans après, avec l’arrivée de Jean-Paul II. Fils de la Pologne, un des pays opprimés par le marxisme, il n’avait comme seule arme que son attachement au Christ renouvelé dans l’eucharistie.

Qui d’entre nous ne garde pas en mémoire ces images d’un pape globe-trotter réunissant autour de lui d’immenses foules pour l’eucharistie qui était pour lui la réponse à toutes les quêtes de justice et de paix dans le monde. Et ceux qui ont eu la grâce de participer à la messe dans sa chapelle privée, découvraient le Pape en prière bien avant la célébration. Et à la fin, il se remettait à genoux devant l’autel. Durant les derniers mois de sa maladie, il restait assis, et plus que jamais courbé comme le fut le Christ portant la croix pour le salut de toute l’humanité.

Frères et sœurs, en cette fête du Saint Sacrement, puissions-nous vivre l’eucharistie comme mémorial de la Passion du Christ et mieux relire les événements de notre vie pour accueillir le Seigneur qui veut demeurer en nous.

 

 

+ Vincent Dollmann

Archevêque de Cambrai

 

Article publié par Service communication • Publié le Lundi 15 juin 2020 • 949 visites

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