Homélie de la Nuit de Noël 2022
Le début des fêtes de Noël correspond cette année à la nuit du samedi au dimanche et nous renvoie à une autre nuit très sainte, la Vigile de Pâques où nous célébrons la mort et la résurrection du Christ. Pâques éclaire le but de la naissance de Jésus : arracher l’humanité aux griffes du mal et de la mort et l’introduire dans la communion avec Dieu son Père. D’ailleurs les icônes de la Nativité n’hésitent pas à présenter la crèche sous les traits d’une tombe et l’Enfant Jésus sous ceux d’un cadavre enveloppé d’un linceul.
Par ce lien entre Noël et Pâques, nous pouvons contempler Jésus dans la crèche nous ouvrant grand ses bras comme une annonce de sa mort. Cloué sur la croix, il gardera ses bras grands ouverts pour briser les verrous de la mort et nous attirer dans la communion avec Dieu son Père. L’apôtre Paul, dans la deuxième lecture, affirmait : « Il s’est donné pour nous afin de nous racheter de toutes nos fautes, et de nous purifier pour faire de nous son peuple […] » (Tt 2,14).
Le lien entre la crèche et la croix éclaire ainsi l’identité et la mission de Jésus. La crèche dit la totale gratuité de la venue du sauveur en notre monde, et la croix en donne le sens : rétablir le lien d’amour avec Dieu en s’offrant par amour jusqu’à accepter le rejet et la mort.
Ce lien entre la naissance du Christ et sa mort en croix, éclaire également notre vie de foi.
A Noël, nous nous laissons toucher par le don que Dieu nous fait en son Fils et nous rendons grâce à Dieu avec le chant des anges, le Gloire à Dieu qui retentit à nouveau dans nos églises après les quatre semaines de l’Avent.
A Pâques, nous nous laissons entrainer par l’offrande de Jésus sur la croix qui ouvre définitivement les portes du ciel. Si nous sommes les destinataires de la grâce de Dieu qui fait de nous ses fils, comme le souligne saint Paul (Tt 2,14), cette dignité de fils nous demande de pouvoir y répondre librement par notre propre offrande d’amour.
Le sacrement de l’eucharistie qui nous réunit en cette nuit, établit ce lien fondamental entre la crèche et la croix. Le Christ s’y donne les bras grands ouverts pour nous prendre dans ses bras et nous présenter au Père. C’est pourquoi nous pouvons parler de la messe, non seulement comme la continuation de l’incarnation, mais aussi comme le sacrifice de la croix.
Saint Luc dans son récit de la naissance de Jésus, invite à passer de la crèche à l’autel où Jésus continue à se donner. L’évangéliste précise que Jésus est né à Bethléem, nom qui signifie « maison du pain » et qu’il a été déposé dans une mangeoire. La Vierge Marie est ainsi non seulement la mère du Christ, mais aussi la demeure du Christ, le Pain de vie.
Si l’eucharistie signifie bien pour nous le lieu de la rencontre du Christ qui nous entraine dans son sacrifice au Père, elle devient un soutien inestimable pour notre vie concrète faite de joies et d’épreuves. Elle vient nous réconcilier avec elle et nous permettre de porter les croix du quotidien par amour du Christ. J’ai du mal par exemple à prier le Seigneur ? Alors éclairé par le sacrement de l’eucharistie, c’est le moment de le faire par amour pour Lui. J’ai du mal à pardonner ? Alors fortifié par l’eucharistie, c’est le moment de le faire par choix du Christ.
Que la Vierge Marie qui a pris le chemin, de la crèche de Bethléem jusqu’à la croix du Golgotha, nous accompagne pour accueillir le Christ dans notre vie et pour nous unir à son offrande d’amour qui nous introduit dans l’éternité bienheureuse.
Homélie du jour de Noël
En entendant cette année le Prologue de Saint-Jean, un dimanche, jour de la résurrection et de l’eucharistie, nous voulons acclamer Jésus comme le Verbe qui s’est fait chair dans le sein de la Vierge Marie mais aussi comme le Verbe qui se fait chair dans l’eucharistie.
Dieu, en acceptant la naissance et la mort de Jésus son Fils en ce monde et en le ressuscitant des morts, n’a pas voulu opérer un simple passage dans l’humanité, mais bien y établir sa demeure pour la purifier et la préparer à la communion de vie avec lui.
L’eucharistie renvoie à l’humilité de la crèche et porte la marque de Dieu qui a créé et qui sauve l’humanité par amour. Si le Fils est présent dans l’eucharistie, c’est parce que Dieu continue de l’envoyer. L’évangile comme nous l’avons entendu, conclut la louange au Christ, Verbe fait chair, en affirmant : « Tous nous avons eu part à sa plénitude, nous avons reçu grâce après grâce ; car la Loi fut donnée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus Christ » (Jn 1,16-17). Cette plénitude de grâce et de vérité se réalise concrètement pour nous dans l’eucharistie.
Jésus se rend présent sur l’autel de nos églises comme il y a deux mille ans dans la crèche de Bethléem. Et cela est possible parce que l’Esprit-Saint, l’Esprit de vie est à l’œuvre. C’est lui qui permet au Christ de se donner réellement dans les signes du pain et du vin, comme il est intervenu à sa conception dans le sein virginal de Marie pour venir au monde et comme il est intervenu à sa mort pour introduire son corps dans l’état glorieux. D’ailleurs avant de prononcer les paroles de la consécration transmise par le Christ, « Ceci est mon corps, ceci est mon sang », le prêtre étend les mains sur le pain et le vin, implorant Dieu le Père : « Sanctifie ces offrandes en répandant sur elles ton Esprit. Qu’elles deviennent pour nous le Corps et le Sang de Jésus, le Christ, notre Seigneur » (Prière Eucharistique II).
Pour que le temps de Noël ne soit pas une parenthèse dans notre vie, nous avons à passer de l’émerveillement devant la crèche, à l’accueil du Fils de Dieu dans le sacrement de la messe. La Vierge Marie nous en fraye le chemin. Comme à Bethléem pour les bergers et les mages, elle est présente à chaque eucharistie et veille sur notre foi en la présence réelle et personnelle du Christ. L’attitude discrète et priante de Marie à la crèche sont déjà une invitation à tout mettre en œuvre pour que l’eucharistie soit pour tous ceux qui y participent la rencontre du Christ ressuscité. A l’école de Marie, il peut s’agir pour nous de veiller à la dignité de l’ambon, lieu de la proclamation des Ecritures, ainsi que de l’autel et du tabernacle. J’aime à rappeler que devant l’ambon et l’autel, nous pouvons nous incliner. Et devant le tabernacle, lieu de la présence permanente du Christ eucharistie, n’oublions pas de faire la génuflexion.
Nous pouvons encore maintenir vivante la foi en Jésus fait chair dans l’eucharistie par notre attachement à ses martyrs. Il y a deux ans, le Pape François a offert un modèle éloquent à notre diocèse, en permettant la béatification de Siméon Cardon né à Cambrai. Il était prieur de l’Abbaye de Casamari en Italie au 18ème siècle. Le Pape évoquait ce nouveau bienheureux cambrésien et ses compagnons en ces termes : « En 1799, quand des soldats français se retirant de Naples saccagèrent des églises et des monastères, ces doux disciples du Christ ont résisté avec un courage héroïque, jusqu’à la mort, pour défendre l’Eucharistie de la profanation » (audience, 17 avril 2021).
Le martyre de ces religieux invite à l’action de grâce pour le don de l’eucharistie où le Christ notre Sauveur ne cesse de se donner, réellement et personnellement. Une des hymnes eucharistiques les plus anciennes, l’Ave Verum, nous fait d’ailleurs chanter : « Salut vrai Corps du Christ, né de la Vierge Marie…Laisse-Toi goûter par nous…Ô Jésus, Fils de Marie ».
Puissent nos cœurs s’unir à la joie de Marie et accueillir avec elle dans l’eucharistie Jésus comme le Pasteur et le Pain sur le chemin de nos vies.