Homélie : Ouverture de la Neuvaine Notre Dame de Grâce

Jeudi 7 mai 2020 4ème semaine du temps pascal début de la neuvaine à Notre-Dame de Grâce

Introduction

La tradition de la neuvaine a son origine dans la période des neuf jours qui séparent l’Ascension de la Pentecôte. Le Livre des Actes indique que les apôtres, « d’un seul cœur, participaient fidèlement à la prière, avec quelques femmes dont Marie, mère de Jésus ». (Ac ,14).  La Vierge Marie toute habitée par l’Esprit-Saint, est aujourd’hui encore  aux côtés des disciples du Christ pour les préparer à accueillir le souffle de l’Esprit de Dieu et à vivre des grâces du baptême et de la confirmation.

 

Homélie

L’évangile de ce jour, nous place au Cénacle à la veille de la mort de Jésus où celui-ci a transmis aux apôtres le sacrement de l’eucharistie et le signe du lavement des pieds. Ensemble, la prière en Eglise et le service du prochain constituent l’héritage vivant du Christ à ses disciples. « Heureux êtes vous si vous le faites ! » affirme Jésus. Cette dernière béatitude que le Seigneur a prononcée avant sa mort, résume toutes les autres. La fidélité à l’eucharistie et au service nous fait participer à la joie même de Dieu qui abreuve le monde par la mort et la résurrection de Jésus son Fils. Nous pouvons l’apprendre auprès de la Vierge Marie qui a su nouer étroitement durant sa vie terrestre, prière et service.

Marie était présente au Cénacle le jeudi saint comme témoin de l’institution de l’eucharistie et du lavement des pieds, puisqu’il revenait à la mère de famille d’allumer les lumières pour le repas pascal. Elle est à nouveau présente au Cénacle entre l’Ascension et la Pentecôte pour soutenir les apôtres dans l’attente fervente de l’Esprit-Saint qui leur permettra de vivre fidèlement la prière et le service.

Le seul titre qu’elle s’est attribuée est celui de servante. Sa vie entière sera une mise en œuvre de cette dignité et de cette mission accueillie à l’Annonciation. En disant « voici la servante du Seigneur », elle exprime sa disponibilité à l’appel de Dieu pour porter son Fils Jésus au monde. Elle le manifestera en entreprenant le voyage vers la Judée pour visiter sa cousine Elisabeth.

Marie n’est pas d’abord émue par un élan de sa générosité, mais elle fait écho à la salutation de l’Ange Gabriel qui lui dit : «Réjouis-toi, comblée de grâce » (Lc 1,28).  L’Ange lui révèle son nom dans le cœur de Dieu, « aimée éternellement de Dieu », « réceptacle de la grâce de Dieu ». Sa réponse « Je suis la servante de Dieu » exprime son bonheur et sa fierté d’être à Dieu. C’est de sa grâce, de sa lumière et de sa force, qu’elle peut et veut orienter sa vie dans le service.

D’ailleurs en arrivant chez sainte Elisabeth, la Vierge Marie témoigne avant tout de sa joie d’être la mère du Sauveur à travers la prière du Magnificat. Et ancrée dans la grâce de l’amour de Dieu, elle demeure chez sa cousine pour l’assister dans les tâches quotidiennes jusqu’à la naissance de Jean-Baptiste.

Comme la Vierge Marie, nous avons reçu à notre baptême le nom nouveau de chrétien, de « comblé de grâce » selon l’expression même de saint Paul (Ep 1,6). A nous de réaliser combien l’expérience du bonheur dans le service partagé par de nombreux contemporains, est en fait un don de Dieu. Il nous rend participants de la vie de Jésus. En annonçant sa mort et sa résurrection par le geste du lavement des pieds, il a signifié que c’est par le service jusqu’au bout qu’il allait porter le salut au monde.

Des chrétiens font ainsi l’expérience de la joie de servir Dieu et le prochain, au quotidien, particulièrement en cette épreuve de pandémie, et jusque dans les situations extrêmes.

Alors que nous commémorons demain 8 mai la fin de la deuxième guerre mondiale, je pense au Bienheureux Karl Leisner, jeune diacre qui faisait partie de la famille spirituelle de Schoenstatt. En mai 1939 atteint de la tuberculose, il devait rejoindre un sanatorium. Il y exprima un jour son regret de l’échec d’un attentat contre Hitler. Il fut immédiatement  arrêté et finit par être interné dans le camp de concentration de Dachau fin 1940, là où furent regroupés quelques trois mille prêtres et religieux.

À l’arrivée de Mgr Gabriel Piguet, évêque de Clermont, en septembre 1944, les amis de Karl Leisner reprenaient espoir de le voir ordonné prêtre. Commencèrent alors des préparatifs étonnants : les prêtres déportés devaient agir dans la clandestinité pour obtenir les lettres dimissoriales, lettres d’autorisation, de la part des évêques de Munich et de Münster. Une jeune postulante, sœur Imma servit d’agent de liaison pour le courrier. Finalement, Karl Leisner fut ordonné prêtre fin décembre 1944, au cours de la messe, à l’insu des gardiens. Sur la crosse de l’évêque, confectionnée en cachette, fut inscrite la devise « victor in vinculis, vainqueur dans les chaînes ».

L’ordination de Karl Leisner dans un camp d’extermination, lieu de déshumanisation programmée, peut être considérée comme un miracle de la présence de Dieu. Elle témoignait avant tout de la force de la charité du Christ qui liait entre eux les prêtres et les pasteurs de différentes nationalités. Il n’y eut d’ailleurs parmi eux aucune défection ou abjuration de la foi.

Seul le serviteur est vainqueur dans les chaînes, seul le service vécu dans l’amour du Christ est le chemin de renouveau possible pour l’humanité.

Que Notre-Dame de Grâce nous soutienne par sa prière et  nous apprenne les pas du service de Dieu !

 

X Vincent DOLLMANN
Archevêque de Cambrai

 

 

 

 

 

 

Article publié par Service communication • Publié le Jeudi 07 mai 2020 • 439 visites

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