La célébration d’une ordination sacerdotale le jour de la fête du Saint Sacrement souligne un aspect essentiel du ministère qui est la célébration de l’eucharistie. Le Concile Vatican II a insisté sur l’articulation profonde entre l’eucharistie et l’évangélisation ; « l’eucharistie est source et sommet de l’évangélisation » affirme le document sur la liturgie (SC n. 10). Cette place centrale de l’eucharistie garde la vie du prêtre et de l’Eglise ancrée dans le Christ. Le prêtre et l’Eglise n’existent qu’en lien avec le Christ, ils ont été institués par lui et sont les signes vivants de sa présence. Et cela est signifié d’une manière radicale par l’eucharistie qui porte la marque exclusive de Dieu. Pour rencontrer Dieu, l’homme n’aurait jamais inventé l’eucharistie et choisi les signes si ordinaires du pain et du vin. Les paroles du Christ : « ceci est mon corps, ceci est mon sang », révèlent une humilité et un abaissement qui ne peut avoir son origine qu’en Dieu. D’ailleurs quand saint Paul rapporte l’institution de l’eucharistie dans la lettre aux Corinthiens, il écrit : « Voici ce que j’ai reçu du Seigneur… ». Le titre « Seigneur » désigne le Christ Ressuscité. Pour l’apôtre, l’eucharistie est une vérité de foi essentielle, aussi importante que celle de la mort et de la résurrection du Christ. La foi en Jésus eucharistie et la foi en Jésus mort et ressuscité sont intimement liées. C’est bien parce que Jésus est mort et ressuscité par l’action de l’Esprit-Saint et qu’il est le Fils de Dieu qu’il peut faire ce qu’aucun être cher, même le plus proche ne peut faire : se donner à travers le temps et l’espace. Dans l’eucharistie, nous pouvons le voir, le toucher, et mieux encore le manger, c’est à dire le prendre avec nous dans notre vie la plus intime.
La fidélité du prêtre à l’eucharistie quotidienne comme à la liturgie des heures, la prière des psaumes, lui permet d’exercer son ministère avec le cœur de Jésus bon pasteur et de se laisser conduire par lui. L’engagement au célibat pour le prêtre veut témoigner de son appartenance exclusive au Christ et de sa disponibilité à le laisser nourrir les cœurs en quête de vie et de joie. Seule cette attitude d’abandon à Dieu, de remise de sa vie entre ses mains, forge un cœur d’apôtre et permet à Dieu de réaliser son œuvre. Et la fécondité d’une telle vie ne peut laisser indifférent.
Je ne peux m’empêcher d’évoquer la figure de Mgr Michael Courtney, nonce au Burundi où il a été assassiné en 2003. J’ai pu le côtoyer lorsqu’il représentait le Saint-Siège auprès du Conseil de l’Europe à Strasbourg. Le Pape l’a envoyé au Burundi en l’an 2000, à une période de vives tensions. De nombreuses représentations diplomatiques avaient quitté le pays. Mais lui, continuait patiemment à servir la paix. Il n’hésitait pas à se déplacer et à prendre des risques. C’est ainsi qu’il est tombé dans une embuscade le 29 décembre 2003, alors qu’il revenait de la visite d’une paroisse à 40 kilomètres de Bujumbura, la capitale. Mgr Courtney n’avait pas la vocation d’un aventurier, ni d’un stratège, mais il cherchait à exercer son ministère humblement à la suite du Christ. A la fin d’une des longues journées de réunion au Conseil de l’Europe, il me confiait qu’il allait maintenant passer à l’essentiel : célébrer la messe. C’est là qu’il a puisé lumière et force pour un apostolat fécond. Par sa mort pour le Christ, Mgr Courtney a été pleinement associé au sacrifice du Christ, source de paix et de vie.
En ce jour d’ordination, nous pouvons et nous voulons remercier le Seigneur pour le don des prêtres et le supplier afin que notre Eglise diocésaine ne vienne pas à en manquer. On cherche facilement des solutions d’ordre structurel ou disciplinaire, encouragé par une société qui mise sur l’efficacité humaine, et qui fait davantage confiance aux ressources humaines qu’à la grâce divine. Mais le renouveau des vocations sacerdotales viendra seulement par le renouveau en profondeur de toutes les vocations. Chacune d’entre elles reflète un aspect de la personne du Christ, Fils de Dieu et serviteur des hommes.
La disponibilité des laïcs, des consacrés et des diacres à approfondir l’attachement à la personne du Christ et à expérimenter. La joie de le suivre et de l’imiter est comme le terreau pour l’éclosion des vocations de prêtres, puisque leur ministère à la suite du Christ Bon Pasteur et Epoux de l’Eglise consiste à veiller sur les différentes vocations et à les maintenir à la source de l’Evangile et des sacrements.
Réjouissons-nous de vivre de participer à une ordination sacerdotale le jour de la fête du Saint Sacrement. Et demandons au Seigneur de faire grandir en nous l’amour de l’eucharistie. Elle est la lumière et la nourriture pour avancer avec le Christ sur le chemin de notre vocation et de nos engagements. Dans l’eucharistie que le Christ a confiée au ministère des prêtres, il est là, il se donne.
En fidélité à la foi des premiers chrétiens et sous le regard de Marie, Notre Dame de Grâce, osons chanter : « Ave Verum, Salut vrai Corps du Christ, né de la Vierge Marie !… Laisse-toi goûter par nous, ô Jésus, fils de Marie ».
Mgr Vincent Dollmann, archevêque de Cambrai