« N’aie pas peur, petit troupeau, votre Père a trouvé bon de vous donner le Royaume » (Lc 12,32). Jésus s’adresse aux disciples pour s’ouvrir à la Providence divine. Il les enseigne à reconnaître que Dieu n’est pas simplement à l’origine de la vie, mais qu’il la soutient et l’accompagne. Depuis l’Ascension Jésus, avec son corps ressuscité, a rejoint le cœur de Dieu pour devenir le trait d’union, le médiateur entre ciel et terre. Jésus monté au ciel ne quitte pas notre terre, mais par l’Esprit-Saint, il se rend encore plus proche d’elle, en venant habiter le cœur des hommes et les soutenir. A la Pentecôte, l’Esprit-Saint s’est manifesté aux apôtres comme un feu éclairant de l’intérieur les intelligences jusqu’à la conscience morale qui est « le centre le plus intime et le plus secret de l’homme » (Vatican II, Constitution Gaudium et Spes, n.16). C’est le sanctuaire où Dieu peut rejoindre chaque être humain pour lui permettre d’affiner son jugement et d’agir selon la justice du Royaume. Ayant reçu le Saint-Esprit au baptême, les chrétiens ont à porter le souci de l’éducation de leur conscience pour vivre selon le Royaume de Dieu.
Déjà, dans l’Ancienne Alliance, après avoir libéré son Peuple, Dieu lui a remis les commandements pour maintenir en éveil son sens de la liberté et de la dignité des personnes. Six siècles plus tard, dans le contexte de discussion avec le monde grec, Ben Sirac rappelle que la sagesse de Dieu veut éduquer la conscience en lui donnant comme repère le respect des pauvres et des sans-droits.
Jésus le Fils de Dieu en est le modèle parfait et offre à tout disciple d’accueillir son Esprit comme la lumière qui éclaire le sanctuaire de sa conscience et comme la force pour agir selon cette conscience.
A la Pentecôte, l’Esprit-Saint s’est manifesté sous les traits des langues de feu qui allaient permettre aux apôtres d’annoncer la résurrection de Jésus et sa victoire sur les puissances du mal et de la mort. Mais l’Esprit-Saint s’est également manifesté comme un vent qui allait pousser les apôtres à en être les témoins jusqu’à braver les lois humaines contraires au respect de la vie et de la dignité humaine. Aux membres du Conseil suprême pour qui l’Evangile portait atteinte au jeu des équilibres politiques, les apôtres déclarèrent : « Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes » (Ac 5,29).
En s’adressant à ses disciples parlant de « petit troupeau », Jésus semble indiquer que la vie selon la conscience éclairée par l’Evangile n’attirera jamais les foules. Cela semble contredire la promesse de Dieu que nous avons chantée dans le psaume : « Heureux qui craint le Seigneur ! Sa lignée sera puissante sur la terre » (Ps 111). Dans l’éducation de la conscience, ce qui est en jeu n’est pas le succès médiatique, mais la croissance du Règne de Dieu. Cela demande la confiance du semeur qui jette le grain en terre, et l’audace du pêcheur qui après une nuit infructueuse jette les filets en plein jour.
Nous faisons mémoire de saint Yves, juge ecclésiastique du 13ème siècle, dont les manuels d’Histoire tairont le nom et préférant parler des princes et des érudits. Mais si les exploits de ces derniers furent matière à examens, l’œuvre de saint Yves demeure une leçon de sagesse et de courage.
Avec lui, nous savons que nous ne sommes qu’un petit troupeau, mais appelés à la fécondité d’une vie selon la justice du Royaume de Dieu.
Avec lui, nous pouvons implorer l’Esprit de Dieu pour qu’il éclaire et fortifie notre conscience. Ainsi nous pourrons accueillir avec saint Yves le trésor inépuisable dans les cieux, le trésor de la vie et de la joie en Dieu.
+ Vincent Dollmann
Archevêque de Cambrai
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