Dans le prolongement de l’imposition des mains et de la prière litanique qui constituent le cœur du sacrement de l’ordination, l’évêque remet l’évangéliaire aux nouveaux ordonnés en disant : « Recevez l’Evangile du Christ que vous avez la mission d’annoncer ».
Ce geste renvoie à la mission de toute l’Eglise et indique que le diacre lui est donné pour rappeler à tous ses membres qu’ils n’ont pas seulement à développer une vie de prière et de charité, mais également à porter le souci de la Bonne Nouvelle.
Si la Nouvelle est bonne et vient de Dieu, c’est qu’elle a encore quelque chose à nous dire aujourd’hui, c’est qu’elle peut même transformer notre vie comme celle des premiers disciples.
En remettant l’évangéliaire, l’évêque dit encore au diacre : « Soyez attentif à croire à la Parole que vous lirez ». Il s’agit d’abord de croire en la puissance de Dieu qui se manifeste par sa Parole, objet de la louange à laquelle invite saint Pierre dans sa Lettre que nous avons entendue en deuxième lecture. Cette puissance est au service de la vie et du bonheur des hommes, telle que l’atteste la longue lignée des serviteurs de la Parole de Dieu à travers l’Histoire.
Ainsi à la fin du 1er siècle, le Pape saint Clément, fêté aujourd’hui, réussira à fortifier l’unité de la communauté de Corinthe par une lettre actualisant avec vigueur l’enseignement de Jésus sur la charité qui relie petits et grands, riches et pauvres.
De même saint Colomban, autre figure fêtée en ce jour, faisait partie des nombreux moines d’Irlande venus évangéliser le continent européen au 7ème siècle. Avec comme seuls bagages l’Ecriture sainte et quelques tablettes de cire pour continuer la transmission, ils ont suscité chez les peuples visités l’élan pour construire des civilisations prospères et respectueuses de la vie.
Cette lignée de serviteurs de la Parole se poursuit aujourd’hui. Même s’ils se font discrets, ils éclairent le monde de la joie de l’Evangile, comme en témoigne la vitalité des toutes petites communautés de Thaïlande et du Japon que le Pape François visite en ces jours.
Tout en percevant cette fécondité de la Parole de Dieu dans l’Histoire, nous devons reconnaître qu’elle n’est habituellement pas de l’ordre de l’efficacité ou du spectaculaire. Le désir de Dieu est celui d’établir une relation avec nous. Il est le Dieu de l’Alliance, le Dieu, Trinité d’Amour.
Ainsi quand nous nous mettons en contact avec la Parole, le plus important n’est pas tant d’en comprendre le sens que de nous mettre en présence du Seigneur. Il veut nous parler comme un ami parle à un ami. Nous n’avons pas à nous présenter avec un dictionnaire pour analyser le sens des mots, mais avec notre cœur pour approfondir notre relation avec lui.
Quelle belle page de catéchèse que celle du prêtre Eli qui répond au jeune servant Samuel réveillé à l’appel de son nom : « Va te coucher. Et si on t’appelle, tu diras : Parle Seigneur, car ton serviteur écoute ».
Par cette confiance humble en sa Parole, le Seigneur pourra ainsi non seulement éclairer notre intelligence mais fortifier notre cœur pour être son serviteur à temps et à contretemps. La 1ère lecture n’a pas intégré le contenu du message de Dieu adressé à Samuel. Celui-ci a du mal à le transmettre au prêtre Eli, car il condamne la méchanceté de ses fils.
De même dans l’évangile, après avoir invité les disciples à laver les pieds les uns des autres, Jésus annonce avec tristesse la trahison de Judas. Servir la Parole de Dieu implique la disponibilité à intégrer le refus voire la persécution. Dieu ne cherche pas à flatter ou à manipuler l’humanité, mais à la ramener vers lui qui seul, peut sauver et qui seul, sauve par amour.
Les diacres permanents qui sont à la fois insérés dans le tissu social et professionnel et établis ministres dans l’Eglise, perçoivent bien l’exigence du service de la Parole de Dieu. Elle est d’une fécondité toujours actuelle dans le cœur des chrétiens et même au-delà.
Je suis sûr, Bernard et Fernand, que vous pourriez spontanément évoquer des personnes qui vivent d’une sagesse et d’une charité proches de l’évangile et qui vous ont renouvelés dans votre amour de Dieu et de sa Parole. Mais, diacres, vous serez en même temps envoyés dans le monde pour servir la Parole de Dieu dans son intégralité et vous aurez ainsi à entrainer tous les baptisés à demeurer fidèles au Christ, le Maître et le Seigneur. Ainsi l’évêque en remettant l’évangéliaire au diacre, conclut : « Soyez attentif à enseigner ce que vous avez cru, à vivre ce que vous aurez enseigné ».
Chers ordinands et chers diacres qui les entourez, vous avez à nous entraîner dans l’attachement ferme et amoureux à la Parole de Dieu. Ensemble, nous le fortifions dans la participation à l’eucharistie. Là, nous expérimentons la toute-puissance de la Parole divine, notamment à la consécration.
Par l’action de l’Esprit-Saint et le ministère du prêtre, les paroles du Christ réalisent ce qu’elles signifient à savoir le changement du pain et du vin en son Sang et en son Corps. Bien, plus, la consécration et l’ensemble de la prière eucharistique unissent le prêtre et l’ensemble de l’assemblée au sacrifice du Christ en croix, à ce qui constitue la réalité la plus intime de notre existence en Jésus, à savoir une vie filiale, une vie donnée au Père et aux hommes.
Dans notre fidélité à l’eucharistie et à l’écoute de la Parole de Dieu, parole de vie et de relation, nous serons à notre tour bonne nouvelle pour le monde d’aujourd’hui.
+ Vincent Dollmann
Archevêque de Cambrai
23 novembre 2019