"Quand des jeunes relisent les semaines de confinement"

Édito de juillet 2020

« Quand des jeunes relisent les semaines de confinement »

 

En lien avec le Service diocésain des jeunes, j’ai invité ceux-ci à prendre du temps pour relire les semaines du confinement et à en tirer quelques leçons pour l’avenir.

Une quinzaine de réponses me sont remontées, elles témoignent d’une vraie lucidité sur la société et le cœur de l’homme. Les jeunes pointent du doigt la complexité du cœur humain face au danger de mort. Il peut révéler à la fois son égoïsme qui en vient à se battre dans les magasins pour du papier toilette, des packs d’eau ou encore un paquet de pâtes ; mais également un élan de générosité pour les personnes démunies ou seules. Depuis le déconfinement, les jeunes évoquent également l’attitude paradoxale des contemporains qui redécouvrent la beauté d’un monde moins pollué et en même temps jettent les masques dans la nature.

Les jeunes évoquent aussi la confrontation directe avec la maladie et la mort : hospitalisation d’une amie atteinte du covid-19, décès d’aînés qui les avaient accompagnés (grand-parent, nourrice, catéchiste). La mise à distance des familles avec un des membres décédés et la limitation du nombre de participants aux funérailles restent une expérience traumatisante et rend le travail de deuil très difficile.

Les jeunes relèvent ensuite les réalités qui ont marqué leurs expériences humaines et spirituelles durant le confinement.

La vie en famille est mentionnée dans tous les courriers. Le confinement a ravivé pour certains la souffrance de la séparation des parents ou a été plus difficile pour d’autres en raison de la taille réduite de l’habitat ou de l’absence de jardin. Mais la plupart évoquent les joies simples du repas en commun ou des discussions. Des familles ont renoué avec une prière plus régulière, notamment le soir et le dimanche. Des jeunes habitant la campagne évoquent la joie d’avoir participé au chapelet avec leur grand-mère, chaque vendredi soir à l’église du village.

Le confinement a également été le temps des réseaux sociaux. Les jeunes insistent sur leur apport positif comme moyen pour poursuivre d’une manière interactive les études et pour entrer en contact avec les copains de classe et les proches. Une jeune dont le parrain habite loin, a pu se rapprocher de lui grâce à « l’apéro-visio ». Les réponses ne manquent cependant pas de mentionner le danger des jeux vidéo qui poussent au repli sur soi.

Un dernier point qui est souligné par les jeunes, est le rapport au temps présent. Le confinement est venu bousculer les projets et le rythme des activités. Expérience déstabilisante au départ, le confinement a permis de prendre « le temps de vivre et s’écouter », selon l’expression d’une lycéenne. Un étudiant écrit encore : « La vie a certainement changé, elle est devenue plus intérieure, donnant à chacun l’opportunité de se poser la question de l’essentiel ».

De cette relecture, les jeunes indiquent quelques pistes pour l’avenir :

Ils expriment d’abord un réel désir d’intégrer la prière dans leur vie. Ils voudraient voir se développer des propositions pour nourrir et approfondir la prière : soirées de louange et d’adoration avec un enseignement, des explications simples sur les rites de la messe qui ont été davantage mis en valeur par l’écran, célébrations et temps de prière où les jeunes sont davantage sollicités.

Ces jeunes souhaitent également des liens plus étroits entre les personnes et les groupes : faciliter les échanges entre les différentes sensibilités liturgiques, entre les plus jeunes et les plus âgés ; donner aux prêtres plus de temps pour célébrer les sacrements et solliciter les jeunes pour aider les paroisses dans leur organisation.

Dans la quête actuelle de l’humanité pour un monde plus juste et plus respectueux de la création, ils ressentent la nécessité de mieux vivre et rendre compte de l’évangile : ne plus posséder des choses simplement pour faire comme les autres, ne pas avoir peur de partager sa joie de croire, retrouver les valeurs de service et d'entraide joyeuse.

À la lecture des réponses de ces jeunes, je suis impressionné par la justesse du regard sur le monde. Ces pistes ont le mérite d’être concrètes et situent bien le rôle des chrétiens aux côtés de tous ceux qui cherchent à lier davantage l’économie à l’écologie et à la justice sociale.

Je suis interpellé par ces jeunes qui invitent à une plus grande place de la prière dans notre vie, à une plus grande communion entre les chrétiens et à une plus grande audace pour vivre la solidarité effective et la sobriété joyeuse. Avec eux, puissent nos paroisses, nos services et nos mouvements tenter de faire un pas en ce sens.

 

   + Vincent Dollmann

Archevêque de Cambrai

 

Article publié par Cathocambrai • Publié le Jeudi 23 juillet 2020 • 937 visites

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