« Qui nous séparera de l’amour du Christ ? » (Rm 8, 35)
Le confinement à domicile pour faire face à la pandémie de coronavirus nous permet de réfléchir à l’existence humaine et à la valeur de la vie. Ceux qui reconnaissent un Dieu créateur et sauveur sont amenés à renouveler la conviction que Dieu « ne prend pas plaisir à la mort de qui que ce soit », mais il appelle à « se convertir et à vivre » (Ez 18,32).
Pour les chrétiens, Jésus son Fils l’a attesté en prenant la condition humaine. Par sa passion et sa mort, il a frayé à toute l’humanité un chemin vers la vie de communion éternelle avec Dieu. Ainsi dans sa lettre aux Romains, saint Paul peut chanter le lien indéfectible que Dieu établit avec celui qui reconnait et accueille son amour. : Ni les épreuves de la vie, « la détresse, l’angoisse, la persécution, la faim, le dénuement, le danger, le glaive », ni les puissances du monde visible ou invisible, « ni mort, ni vie, ni anges […] ni les hauteurs, ni les abîmes, ni aucune créature », ne peuvent séparer le croyant de « l’amour de Dieu manifesté dans le Christ Jésus notre Seigneur » (Rm 8,39).
Dans cet hymne à l’amour de Dieu, Paul partage une réelle émotion, non pas passagère ou superficielle, mais une émotion qui le touche au plus profond de son être. Jésus lui-même l’a expérimentée devant Marthe et Marie éprouvées par la mort de leur frère Lazare (Jn 11,33).
Le désir de Dieu peut parfois nous obtenir la grâce d’une telle émotion face à la révélation de son grand amour. Certains ont pu faire en faire l’expérience lors de l’écoute d’un passage d’évangile, de l’adoration ou de la communion eucharistique. Vivre une telle expérience ou en entendre le témoignage est un cadeau précieux pour la vie de foi.
Saint Paul évoque cette émotion face à l’amour de Dieu, non pour se glorifier, mais pour inviter les chrétiens à persévérer avec lui dans la prière qui fait mémoire des hauts faits de Dieu dans l’histoire des hommes et dans la leur. Nous pouvons nous appuyer sur le psaume 136 que Jésus a chanté aux fêtes de Pâque et notamment à la dernière Cène. Il comporte le refrain « car éternel est son amour ». Ce psaume peut ainsi être complété par toutes les manifestations de l’amour tout-puissant et fidèle dans le monde et dans notre vie. Une telle prière nous détourne des peurs dans lesquelles l’humanité peut s’enfermer, peur face aux nouvelles pandémies, peur face au terrorisme, ou encore face au dérèglement climatique. Bien loin de nous distraire de la réalité, la prière qui fait ainsi mémoire de la Providence divine dans notre histoire, nous donne de retrouver en Dieu la possibilité de réagir et d’oser envisager de vraies conversions. Elle nous communique l’Esprit d’amour de Dieu pour regarder les autres comme Dieu les regarde et pour bâtir un monde comme Dieu l’a créé.
La prière qui fait mémoire de l’amour de Dieu est celle de la Vierge Marie. L’évangéliste saint Luc le mentionne à deux reprises : « Quant à Marie, elle retenait tous ces événements et les méditait dans son cœur » (2,19 naissance de Jésus, 2,51 Jésus au Temple). Alors que les autres « s’étonnent » de ce qui se passe autour d’eux, alors qu’ils restent à la superficialité des choses, Marie accueille les événements en cherchant les signes du salut, le travail de l’Esprit-Saint qui agit au cœur du monde malgré les apparences.
Cette prière a permis à Marie de suivre le Christ pas à pas, du début de son ministère, quand les foules se ruaient autour de lui pour l’écouter, jusqu’au pied de la croix, quand tous l’avaient abandonné. Et là, malgré l’immense douleur de son cœur de mère, elle était tournée vers le matin de Pâques, car sa foi était ancrée dans la certitude que seul l’amour de Dieu pouvait gagner. Si pour la Vierge Marie, l’Ecriture ne mentionne pas de rencontre avec Jésus ressuscité, c’est parce qu’elle n’avait pas à faire de cheminement pour le reconnaître. Elle a accueilli sans retard et sans hésitation la lumineuse présence de Jésus ressuscité. D’ailleurs l’antienne mariale du temps de Pâques, le Regina Cœli, nous fait chanter : « Reine du ciel, réjouis-toi, car celui que tu as mérité de porter dans ton sein, il est ressuscité. Prie Dieu pour nous. Alleluia ».
+ Vincent DOLLMANN
Archevêque de Cambrai