Homélie : Assomption 2021

 « Un signe grandiose apparut dans le ciel : une femme, ayant le soleil pour manteau, la lune sous les pieds, et sur la tête une couronne de douze étoiles. » (Ap 12, 1). Cet extrait du Livre de l’Apocalypse que nous avons entendu atteste non seulement que la Vierge Marie a été élevée corps et âme au ciel, mais qu’elle participe à la royauté du Christ en facilitant son accueil de la part des hommes. En effet, par le baptême, nous sommes appelés à servir ce règne par qui Dieu « étend sa miséricorde à tous les âges, élève les humbles et comble de biens les affamés », comme le chante Marie dans son Magnificat.

 

La Vierge Marie nous en indique le chemin à travers son obéissance à Dieu.

L’obéissance a pris aujourd’hui une connotation péjorative, devenant synonyme de soumission et de perte de liberté. Mais à l’égard de Dieu, elle est une obéissance filiale, elle manifeste notre lien à Dieu, créateur de toute chose et unique sauveur.

L’obéissance évoque encore la passivité. Mais à l’égard de Dieu, elle nous établit intendants de la création et collaborateurs du son Règne de paix et de justice.

Parmi les conseils évangéliques que les personnes consacrées cherchent à vivre de manière radicale, il y a celui de l’obéissance. Il a aujourd’hui une vraie portée prophétique, venant interpeler la société contemporaine où l’autonomie et le développement personnel sont érigées en valeur absolues. Pourtant l’homme contemporain devrait s’interroger sur son abandon de Dieu et sa fascination des progrès, alors qu’un simple virus vient ébranler les autorités scientifiques et politiques. Le psaume de ce jour pour la prière de Nonne, mériterait d’être médité par tous : « Si le Seigneur ne bâtit la maison, les bâtisseurs travaillent en vain » (Ps 126).

 

Si la Vierge Marie vit l’obéissance à Dieu par la prière et l’écoute de la Parole de Dieu, elle ne néglige pas la médiation par les autorités d’ordre civil ou religieux. Avec Joseph, elle se rendra à Bethléem pour effectuer la démarche du recensement. Les évangiles nous indiquent également que le couple avait l’habitude de se rendre en pèlerinage à Jérusalem. Marie et Joseph n’effectuent cependant pas ces démarches avec résignation ou crainte, mais dans la liberté des enfants de Dieu, avec le désir de répondre à sa volonté.

Pour Marie et Joseph comme pour tout chrétien, une autorité terrestre ne tire sa légitimité ultime que de Dieu, seul créateur et seul sauveur. Lui seul à travers ses commandements et le don de son Esprit-Saint garde les autorités de ce monde dans leur vraie finalité : la croissance humaine et spirituelle de toute personne. Le terme latin ‘auctoritas’ signifie d’ailleurs ‘force de croissance’ et est à rapprocher des verbes ‘augmenter, croître’.

Aucune autorité humaine que ce soit dans la famille ou la société peut s’arroger un pouvoir de vie et de mort sur une personne ou mettre la main sur les biens vitaux que Dieu a créés pour tout homme. En obéissant aux autorités terrestres comme serviteur de Dieu, le chrétien doit être capable de braver les lois humaines contraires au respect de la vie et au bien commun. Les apôtres n’hésitaient pas à déclarer : « Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes » (Ac 5,29) aux membres du Conseil suprême qui considéraient l’Evangile du Christ comme un danger pour le jeu des équilibres politiques de l’époque.

Pour demeurer dans le service de la vie et du bonheur des hommes, les autorités humaines sont appelées non seulement à renoncer au pouvoir absolu, mais encore à respecter les limites de leur champ de compétence et à accepter de vrais partenariats avec les autres. Ainsi les autorités notamment familiale et religieuse ont leur légitimité à côté de l’autorité politique. Cette dernière doit même veiller à ce qu’au niveau d’une nation, ce bien inestimable de la vie des familles et des communautés religieuses puissent honorer leur mission respective.

 

Frères et sœurs, l’Assomption n’est pas une fête pour rêver un avenir radieux dans le ciel, elle interpelle notre engagement de foi dans le monde. La Vierge Marie qui est entrée corps et âme dans le ciel, nous soutient dans notre fidélité à Dieu par l’écoute de sa Parole et la reconnaissance des autorités de ce monde. Le passage de l’Apocalypse que nous avons entendu se termine par un cantique chanté au ciel et repris par la liturgie de l’Eglise aux vêpres : « Maintenant voici le salut, la puissance et le règne de notre Dieu, voici le pouvoir de son Christ » (Ap 12). Que la Vierge Marie nous aide à le chanter et l’accueillir en vérité dans le monde d’aujourd’hui.

 

Vincent Dollmann
+Archevêque de Cambrai

Article publié par Service communication • Publié le Lundi 16 août 2021 • 733 visites

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