Toussaint ? C’est le jour où nous célébrons dans une même fête tous les saints, connus et moins connus, du passé et d’aujourd’hui. C’est également le jour où nous nous rappelons que nous sommes tous appelés à la sainteté, à la vie animée par l’Esprit-Saint. Pour cela, nous avons la carte de route qui vient de nous être rappelée : les Béatitudes. Bien plus, nous avons un modèle : Jésus, le Fils de Dieu, lui-même. Il a non seulement enseigné les Béatitudes, mais il les a vécues jusqu’au bout.
L’appel à la pauvreté, à la pureté de cœur, à la soif de justice et de paix, manifeste que la sainteté n’est pas une utopie détachée de la réalité, mais un engagement ancré dans le quotidien. Parmi les figures récentes de sainteté dans notre diocèse, celle de Joseph Engling est éloquente. Séminariste et soldat allemand, il est mort sur le champ de bataille en 1918 à 21 ans, disposé à offrir sa vie pour la paix et l’évangélisation des cœurs meurtris par une guerre fratricide. L’étonnant cheminement spirituel de Joseph trouve son origine dans la note du journal spirituel commencé au Séminaire de Schönstatt : « je veux devenir un saint ». Quand il a ouvert un nouveau cahier sur le front à Verdun, il ajouta : « je veux devenir un grand saint ».
Ce désir ferme d’être saint a mobilisé toute sa personne et s’est concrétisé dans la fidélité à son devoir d’Etat et à ses engagements. Dès le début de ses études, Joseph avait connu des épreuves qui auraient pu le décourager : vu son faible niveau scolaire, il était obligé de rattraper une année. Alors qu’il avait 14 ans et était de grande taille, il s’est retrouvé avec des jeunes de 12-13 ans. Mais Joseph a su rebondir avec le soutien de l’aumônier, le Père Kentenich qui invitait les élèves à accomplir les tâches ordinaires avec le souci de la perfection. « Ordinaria extraordinarie, les choses ordinaires d’une manière extraordinaire » disait-il. Joseph savait partager les joies d’un jeune, la camaraderie, le sport, les lectures et les vacances en famille, mais ce fut empreint de foi et de charité.
La vie de Joseph manifeste combien les Béatitudes permettent aux saints de garder les pieds sur terre, de vivre de la sagesse et de l’amour de Dieu dans les situations les plus complexes d’une existence terrestre. Cette vie selon les Béatitudes a une réelle force de témoignage et d’évangélisation. Si celui qui maintient son cœur dans l’esprit des Béatitudes, n’est pas considéré dans la société, voire marginalisé, il participe en réalité à la victoire du Christ sur le mal et la mort et à l’avènement du Règne de Dieu.
Grâce à la pratique quotidienne de l’examen de conscience, Joseph a pris conscience que le plus grand obstacle à la sainteté, était à l’intérieur de lui-même. De caractère vif, il pouvait réagir sous le coup de la colère. Avec le soutien de son Père spirituel, Joseph ne cherchait pas toujours à le réprimer, mais à l’orienter en vue du bien.
En laissant l’esprit des Béatitudes prendre toujours davantage possession de sa vie, Joseph a su développer en lui un cœur d’apôtre. Il a cherché à progresser dans tous les domaines intellectuels, artistiques et physiques selon le plan de Dieu, et à exercer les responsabilités qu’on lui confiait dans le respect des personnes. Sur le front, ce sens du témoignage était tellement ancré en lui qu’il s’interdisait tout vol de nourriture, alors que cela devenait un acte de survie.
A côté du témoignage de vie, Joseph entrevoyait l’urgence d’un apostolat explicite, notamment dans le milieu militaire. Pour cela, il lisait beaucoup et dans des domaines très variés. Il est allé jusqu’à apprendre le français pour mieux connaître le peuple et le pays où il a été envoyé pour combattre. Dans ses résolutions à Pâques 1918, il écrit : « Je veux utiliser toute occasion d’apostolat par la parole […] Cinq fois par jour, je dirai ouvertement mon opinion, même dans des choses insignifiantes ».
Frères et sœurs, Dieu désire ardemment la sainteté pour tous les hommes. Les saints nous y encouragent ; ils ont choisi les Béatitudes comme boussole et ont laissé l’Esprit du Christ animer leur vie. Et nous qui cherchons à emboiter leur pas, nous voulons en cette fête, implorer leur secours et nous associer à leur joie au Ciel.