Lectures : Sa 13,1-5 ; Rm 8,18-23 ; Mt 6,24-34
Les textes choisis pour cette messe invitent à la louange et trouvent un écho dans le cantique de frère soleil que nous a laissé saint François d’Assise.
Loué sois-tu, mon Seigneur, avec toutes tes créatures,
spécialement messire frère Soleil,
par qui tu nous donnes le jour, la lumière ;
il est beau, rayonnant d’une grande splendeur,
et de toi, le Très Haut, il nous offre le symbole.
Comme le suggère le livre de la Sagesse, la prière de louange est véritablement un acte de foi et d’amour envers Dieu. Elle nous entraîne à dépasser le regard sur les merveilles et les dons de Dieu pour le fixer sur Dieu Lui-même. Si l’action de grâce chante Dieu pour la beauté de sa création et sa présence au monde, la louange le chante pour Lui-même.
Louer Dieu, c’est au fond chanter Dieu, parce qu’il est Dieu. C’est le ‘je t’aime’ gratuit que le croyant exprime à Dieu, comme le baiser spontané de l’enfant à ses parents qui l’aiment. C’est avant tout cet aspect de gratuité qui donne à la louange ses lettres de noblesse.
Dans son cantique de frère soleil, saint François y inclut l’humanité.
Loué sois-tu, mon Seigneur, pour ceux
qui pardonnent par amour pour toi ;
qui supportent épreuves et maladies :
heureux s’ils conservent la paix,
car par toi, le Très Haut, ils seront couronnés
Comme l’enseigne saint Paul dans sa lettre aux Romains, « la création toute entière gémit, elle passe par les douleurs d’un enfantement » (Rm 8,22). En louant Dieu, l’homme est appelé à sortir de sa suffisance et de son égoïsme pour chercher et accueillir les signes du Royaume de Dieu. Or c’est là une conversion bien difficile dans notre société où Dieu n’a plus le droit de cité. L’homme moderne vit comme
Si Dieu n’existait pas, il s’appuie sur sa sagesse et sa science et passe ainsi à côté du Royaume. Mais l’homme contemporain qui pensait pouvoir vivre sans Dieu, constate aujourd’hui les limites et le non-sens d’une telle position. Il suffisait ainsi qu’un virus se propage pour que les structures sanitaires les plus sophistiquées soient ébranlées, et à leur suite, l’ensemble de l’économie mondiale. Et voici que les autorités scientifiques en sont amenées à proposer comme seul protection un masque, un bout de tissu.
Jésus invite ainsi à la conversion : « Cherchez d’abord le Royaume de Dieu et sa justice, et tout le reste vous sera donné par surcroît » (Lc 6,33). Seul Dieu peut changer les cœurs, seul Dieu peut guérir notre intelligence et notre volonté pour les orienter vers les biens du Royaume. Le louer, c’est lui donner sa vraie place, toute sa place pour le laisser agir. Jésus loue Dieu même au cœur des épreuves, il peut le faire parce que sa louange n’a jamais cessé. Sa vie à chaque instant était vécue dans un lien de confiance à Dieu son Père.
La louange a ainsi permis à certains disciples de faire des pas de géants dans la foi. Ainsi, arrivé au terme de sa vie terrestre, en proie aux souffrances de la maladie, saint François reprendra son cantique de frère Soleil, en ajoutant :
Loué sois-tu, mon Seigneur,
pour notre sœur la Mort corporelle
à qui nul homme vivant ne peut échapper.
Malheur à ceux qui meurent en péché mortel ;
heureux ceux qu’elle surprendra faisant ta volonté,
car la seconde mort ne pourra leur nuire.
Comme saint François, tout disciple du Christ est appelé à ménager un espace pour la prière de louange. Dans l’eucharistie, le Christ lui-même vient nous associer à sa prière. Bien plus, dans l’eucharistie, il peut désormais comme Ressuscité communiquer toute son expérience de vie, toute sa fidélité et sa confiance à l’égard de Dieu son Père.
Ainsi quelles que soient notre situation et nos préoccupations, nous pouvons reprendre la prière de louange. Elle nous prépare à celle du Ciel où notre cœur sera dans la joie, intimement uni au cœur du Christ. Alors chantons encore avec saint François :
Louez et bénissez mon Seigneur,
rendez-lui grâce et servez-le
en toute humilité.
X Vincent Dollmann
Archevêque de Cambrai