Message final de la visite pastorale
aux groupes de prière et familles spirituelles
du 11 février 2023 au 18 janvier 2025
(Groupes de prière du Renouveau charismatique,
fraternités et instituts séculiers, communautés nouvelles)
1. Les groupes sont un soutien précieux pour l’Eglise dans sa mission d’annonce de l’Evangile
Les derniers papes n’ont cessé d’inviter les chrétiens à porter à cœur l’annonce de l’Evangile, Paul VI et François ont promulgué un enseignement sur ce sujet. Le Pape François dans l’Exhortation Apostolique de 2023 Evangelii gaudium, la Joie de l’Evangile, s’appuie sur celle de Paul VI publiée 1975, Evangelii nuntiandi, l’annonce de l’Evangile. Jean-Paul II et Benoît XVI ont parlé de la nouvelle évangélisation, l’évangélisation qui s’adresse non seulement à ceux qui ne connaissent pas le Christ, mais également aux baptisés. Lors du Synode sur l’évangélisation en 2012, des évêques évoquaient la situation de nombreux baptisés non évangélisés.
Ainsi la nouvelle évangélisation ne signifie pas un nouvel évangile. Le contenu reste le même : il s’appuie sur le témoignage des apôtres : « Le Christ est mort pour nos péchés selon les Ecritures, il a été mis au tombeau et est ressuscité le troisième jour selon les Ecritures, il est apparu à Céphas, puis aux Douze » (1Co 15,3-5). Mais la nécessité d’une nouvelle évangélisation est liée au contexte radicalement nouveau de la robotisation et de la communication qui nécessite des modes de transmission nouveaux et surtout des évangélisateurs nouveaux.
2. Les appuis pour devenir disciples missionnaires
Le cheminement des disciples d’Emmaüs le jour de la résurrection du Christ constitue une véritable école de l’évangélisation (Lc 24, 13-34). Les disciples ont été pris par le découragement et la lassitude. Ils allaient abandonner leur mission et retourner à leur métier d’origine. Et voici que le Christ les rejoint, et leur ouvre un avenir.
Il leur indique même les lieux de renouvellement de leur fidélité : L’Eglise, la Parole de Dieu et les sacrements de la vie chrétienne.
La référence à l’Eglise : au début, ils cheminent à deux en discutant des événements de la mort et de la découverte du tombeau vide. Ils sont certes découragés, prêts à laisser leur mission, mais à deux, ils continuent de discuter. C’est suffisant. Il suffit que deux ou trois soient rassemblés pour que le Christ puisse les rejoindre d’une manière tout à fait unique.
A la fin du récit, les apôtres fondements de l’Eglise vont permettre aux disciples d’entrer dans une vie de foi et de partage renouvelée : les Onze et leurs compagnons leur disent : « C’est bien vrai, le Seigneur est ressuscité et il est apparu à Simon ! ». Et les disciples d’Emmaüs pourront raconter ce qui « s’était passé en chemin et comment ils l’avaient reconnu à la fraction du pain ».
Les familles spirituelles et les groupes de prière offrent à la fois une expérience de petites communautés fraternelles et d’ouverture à l’Eglise universelle à travers le charisme d’une figure de sainteté ou à travers l’organisation internationale de ces groupes.
Mais ils ne sont pleinement lieux d’Eglise que si elles s’ouvrent à l’Eglise diocésaine qui est l’Eglise de Dieu réalisée en un lieu. La visite pastorale de l’évêque le manifeste et est un encouragement à vivre ce va et vient entre le groupe et le diocèse.
La référence à la Parole : les disciples discutaient entre eux des événements dont ils étaient témoins et cherchaient à les comprendre à la lumière des Ecritures. Jésus va les reprendre avec eux. Malgré leur connaissance des Ecritures et du catéchisme, ils ne comprennent pas. En fait, ils s’y réfèrent avec leurs désirs et leurs préoccupations, ils cherchent d’abord des réponses à leurs problèmes, sans se laisser interpeller. Ils diront à Jésus : « Et nous, nous espérions qu’il était celui qui allait délivrer Israël ». Ce n’est qu’en se laissant conduire par le Christ, en s’ouvrant à l’événement de sa mort et de sa résurrection que toute l’Ecriture va s’éclairer pour eux.
Pour les groupes de prière et les familles spirituelles, il s’agit de veiller à l’attachement à la Parole de Dieu qui est la révélation du Dieu Père par Jésus son Fils. La Parole de Dieu nous est accessible à travers les Ecritures, mais aussi la Tradition qui désigne le culte, l’enseignement, la charité, la sainteté dans l’Eglise, c’est « tout ce que l’Eglise est et croit » (Vatican II Dei Verbum 8).
Ainsi dans la bulle d’indiction de l’Année Sainte 2025, le Pape invite à fréquenter les Saintes Ecritures, mais aussi les textes du Concile Vatican II et le Catéchisme de l’Eglise Catholique.
La référence aux sacrements de la vie chrétienne : après avoir reconnu le Seigneur, « ils se dirent l’un à l’autre : notre cœur n’était-il pas tout brûlant au-dedans de nous, quand il nous parlait en chemin et qu’il nous expliquait les Ecritures ». La rencontre avec le Christ les a touchés au plus profond de leur être. Ils ressentent comme une brûlure, c’est la brûlure de l’Esprit-Saint. Jésus avait en effet annoncé l’envoi du Saint-Esprit en ces termes : « Je suis venu jeter un feu sur la Terre » (Lc12,49). Cette brûlure de l’Esprit-Saint purifie comme le sacrement du pardon et revigore comme le sacrement de l’eucharistie.
Et ils retournent à Jérusalem dans la joie, la joie de découvrir que Jésus Ressuscité est dorénavant non seulement avec eux mais en eux, comme une brûlure d’amour.
Pour les groupes de prière et les familles spirituelles, le cheminement des disciples d’Emmaüs interpelle sur la connaissance et l’accueil des sacrements de la vie chrétienne que sont l’eucharistie et la réconciliation.
3. Des points d’attention dans le contexte actuel
L’exercice de la gouvernance
La lettre pastorale de 2022 donne des orientations précises pour les groupes de prières et les familles spirituelles : « Une mission est un appel de Dieu et de l’Eglise. Elle ne peut jamais être un pouvoir et doit rester un service. C’est pourquoi, malgré la difficulté à trouver des relèves, il est bon que tout service dans la paroisse ou dans une structure d’Eglise soit réalisé en équipe ou au moins en binôme, et soit limité par un mandat. Le contexte plus fragile de la vie ecclésiale est un appel pressant, non à nous soucier d’abord des institutions mais du renouveau de la foi » (3e partie : pistes concrètes pour la mission, Paragr. 5 Les missions à effectuer en équipe et dans une durée déterminée).
Le Souci de l’unité dans la diversité
Il s’agit de permettre aux membres des groupes spirituels de devenir des artisans d’unité. Trois points d’attention peuvent aider à tendre vers cet objectif :
- Dépasser les oppositions théologiques et spirituelles en cherchant à les articuler
La tradition catholique cherche à mettre des ‘et’ là où l’on met facilement des ‘ou’. Il n’y a ainsi pas les laïcs d’un côté et les clercs de l’autre, il n’y a pas non plus la prière d’un côté et l’engagement de l’autre. Il n’y a pas plus fondamentalement la raison d’un côté et la foi de l’autre.
- Articuler foi et raison
Dans l’évangile, Jésus répond à la quête du jeune homme riche en éveillant en même temps sa raison et sa confiance ; il lui propose de scruter les Ecritures et de le suivre par un attachement total à sa personne (Mc 10). Pour nous aujourd’hui, il y a un appel à articuler étroitement foi et raison, les Papes Benoît XVI et François parlent d’une interaction féconde (Encyclique Lumen Fidei 2013, n.32).
- Articuler mission et prière
Le Pape Jean-Paul II dans sa Lettre apostolique pour le XXIe siècle, affirmait : « Pour la pédagogie à la sainteté, il faut un christianisme qui se distingue avant tout dans l’art de la prière ». Et à plusieurs reprises, il invite les communautés à devenir « d’authentiques écoles de prière » (Au début du nouveau millénaire, janvier 2001).
L’estime pour la piété populaire
La piété populaire désigne les neuvaines, les processions en l’honneur des saints, les bénédictions et les gestes de vénération. Même si ces rites semblent obsolètes voire chargés de syncrétisme religieux, ils constituent un grand patrimoine pour l’Eglise et peuvent susciter encore aujourd’hui un cheminement de foi. Par son attention particulière au mystère de l’incarnation et de la passion du Christ, la piété populaire souligne le caractère concret et total du salut en Jésus. Elle nous renvoie à la profondeur de notre foi chrétienne qui est non seulement adhésion à l’enseignement du Christ, mais aussi rencontre du Christ et attachement à sa personne.
Pour soutenir le discernement pastoral, la Congrégation pour le Culte Divin a promulgué en 2001 un Directoire sur la piété populaire et la liturgie. Celui-ci affirme clairement la centralité de l’Eucharistie et des sacrements, mais souligne l’urgence de maintenir la relation vivante entre la liturgie et la piété populaire.
Pour les groupes de prière et les familles spirituelles, l’attention à la religion populaire peut prévenir du risque d’élitisme et permettre à leur charisme de participer à l’évangélisation des champs socioculturels les plus variés.
X Vincent Dollmann
Archevêque de Cambrai